Peut-être pas le meilleur livre de Clowes, "le Rayon de la Mort" restera néanmoins comme l'un de ses plus sombres. Les hasards de l'actualité nous le feront comparer à "Kick Ass", pour à la fois en rapprocher le thème (être un super héros au milieu de l'Amérique banale, quotidienne) et en opposer le traitement (au final, rien ne sert à rien, si ce n'est à empirer les choses, soit le pessimisme un tantinet cynique typiquement Clowesien). L'absurdité de la vie quotidienne est ici à hurler, accentuée par l'impuissance (créative et finalement physique) du "héros" à y changer quoi que ce soit, à s'inventer un futur décent, ou ne serait-ce qu'à trouver en soi la moindre volonté d'avancer. Dans ce monde à la précision aussi tranquille qu'absolument mortifère, le fantastique le plus outrancier ne peut être que lamentablement inopérant : mettre à la pâté à un sombre imbécile ou faire disparaître de la surface de la planète un gêneur peut difficilement être assimilé à un valeureux combat contre le mal, et Clowes, des tréfonds de son désespoir silencieux, nous murmure qu'il vaut sans doute mieux continuer à nous mentir à nous-mêmes pour pouvoir seulement survivre. [Critique écrite en 2010]