Vive Hubert !
Une découverte faite pour moi en même temps que "Magic : la fillette aux cheveux violets". A peu près le même début, une petite sorcière qui découvre ses pouvoirs en compagnie de son petit animal,...
le 20 mars 2024
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Incontournable BD Jeunesse Juillet 2023
Quel petite pépite cette BD. Une introduction originale, un personnage principal de type témoin, une petite sorcière dont la confiance en soi n'a d'égal que ses certitudes d'être sorcière et culottée, en plus! Je reconnais les dessins magnifiques de madame Hinder, illustratrice que j'ai connue pour son travail sur la sympathique série "Martin" pour la petite enfance. J'aime beaucoup que cette illustratrice et son conjoint se soit donnés le projet de faire une œuvre ensemble selon leurs envies. Qui plus est, ils se sont inspirés du village breton qu'ils ont adopté. Une belle œuvre, avec un humour particulier et des personnages atypiques, comme je les affectionne.
D'entrée de jeu, notre narrateur, un petit cochon tout noir, nous dit qu'il va être avalé par un dragon. Pas de quoi en faire tout un plat, mais heureusement pour nous, il va nous la raconter quand même. Alors que notre petit cochon tout noir entre dans un village, nous croisons le personnage dont il sera le témoin. Brume a été recueil par un pécheur un jour brumeux qui lui a inspiré son prénom. Brume grandit avec la conviction inébranlable qu'elle est une sorcière, en atteste son costume de sorcière noir, serti d'un boucle blanche à la taille. Un cadeau de son papa adoptif. Brume veut être comme la protectrice du village, Naïa, qui semble avoir disparue.Brume apprenait le métier de son père ce jour-là, mais avec sa patience restreinte et son impertinence manifeste ne la prédispose pas trop à ce travail, disons. Quand elle rentre chez elle, elle se fait bousculer - très légèrement- par une vieille femme, ce qui lui donne comme un affront passible d'un sortilège lancé à l'aide de sa baguette magique ( un jouet). Comme elle tente de transformer la dame en cochon, un de ces "hasard" fait en sorte qu'elle pense avoir transformer la dame, mais c'est en réalité le petit cochon narrateur. Ramené et encagé chez Brume, il devient son "assistant", Hubert. Peu de temps après, le papa de Brume rentre à la maison et confie à sa fille un vieux livre qui a des airs de grimoires. Ce livre a été trouvé avec elle, alors qu'elle n'avait à peu près qu'un an. Au comble de la joie, Brume décide qu'il est temps d'ouvrir sa boutique de sorcière, mais les choses ne se déroulent pas comme elle l'avait espéré. N'ayant pas le moindre client, elle accepte d'aider Hugo, son "ami" qui l'a aidée à monter sa boutique. Il lui faut un sortilège anti-buée pour les lunettes d'Hugo, mais devant la complexité des étapes de la potion, Brume se contente de jeter pêle-mêle les ingrédients dans son chaudron en une fois. Le chaudron produit alors une brume perpétuelle qui fait paniquer les villageois très superstitieux. La vielle femme qui constitue le "Service de surveillance des phénomènes pas tout à fait connus", Odette, explique alors que de son temps, le dragon du Mont Santo annonçait sa présence en déversant une opaque fumée sur le village. Paniqués pour de bon, les villageois ne perçoivent pas la petite fille qui se propose pour aller botter les fesses du dragon. C'est donc Brume qui part en quête du dragon, avec Hubert et Hugo comme compagnons. Et les choses sont loin de se dérouler comme on peut l'imaginer.
Déjà, quelle personnage amusante que Brume. Un brin arrogante, très sure d'elle, parfois passive-agressive, des petits brins de canaille sympathique comme elle, il y en a encore peu, surtout chez les personnages féminins. Brume n'est pas patiente et traite Hubert et Hugo en larbin bien souvent, mais à travers ses actions, on peut percevoir sa nature bienveillante. C'est un personnage qui se cherche, avec des origines inconnues et une certitude d'être spéciale, comme bon nombre de Héros/Héroïnes d'univers Héroic Fantasy. Je dirais qu'elle a du charme, cette petite sorcière, qui n'est pas parfaite et manque d'humilité, mais qui possède assez de confiance et d"estime pour aller de l'avant. Je dirais même qu'elle est téméraire.
Hubert, le narrateur, est l'adorable petit cochon noir qui a clairement quelque chose de magique. On peut d'ailleurs faire le parallèle avec les propos du vendeur de chaudrons, qui parle d'un "amateur de métamorphose animale". Hubert est donc très probablement un sorcier, en atteste son habileté à lire le grimoire de Brume et ses connaissances peu anodines. Il se déplace sur deux pattes également. Quand il récite, ses narrations sont dans des encadrés noirs, au contraire des bulles blanches pour Brume. J'aime beaucoup l'idée de le faire parler comme un narrateur témoin, ça nous donne une perspective très intéressante et comme ses connaissances sont bien plus grandes que celles de Brume, il nous donne des détails très importants.
Hugo, pauvre Hugo, est le personnage compagnon dont les lunettes ne reflètent pas un cerveau de génie - pour une rare fois! Il est gentil, dévoué, naïf et un peu bêta. C'est en quelque sorte le pendant contraire de Brume et heureusement pour elle, Hugo n'est pas avare de compliments à son endroit.
Le scénario est bien ficelé et cohérent, sauf un petit détail qui m'intrigue. D'où viennent toutes ses fioles et grigris improbables dont se sert Brume pour élaborer son laboratoire de sorcière? Comment les a-t-elle eu?
Attention, à partir d'ici, il y a des divulgâches.
Il est quelque peu ambiguë de savoir si Brume se croit dotée de magie ou non. Quand elle croit transformer madame Odette en cochon, elle n'est pas non plus étonnée de se faire dire par son père que ce n'est pas le cas. Quand elle fait tente de transformer le dragon une première fois, sans succès, elle ne s'étonne pas d'ensuite réussir avec une formule extrêmement efficace, qui semble lui provenir de sa forte émotion à savoir Hubert englouti tout rond par le dragon. Donc, elle est "sorcière" en jeu et sorcière "pour de vrai", en même temps. Ambiguë donc.
L'humour, ah ça, il y en a! Déjà, avec un personnage principal qui n'a pas la langue dans sa poche - pour ne pas dire "effrontée" par moment, on est dans un registre amusant. Hugo aussi, avec sa touchante naïveté, se montre drôle malgré lui. Enfin, les tournures de dialogues sont souvent hilarantes. En voici quelques unes:
"C'est presque sur que c'est certain." ( Brume).
"Wouah, c'est dingue, je vois beaucoup mieux tout ce qui est flou" ( avec des lunettes sans lentilles). (Hugo)
"Ce phénomène est tout à fait connu par notre service de surveillance des phonèmes pas tout à fait connus, représenté par Odette, son unique membre" ( Arthur, chef du village)
-"Maintenant vous pouvez paniquer" ( Arthur)
Je remarque quelques moments de violence passagère qui n'est finalement pas trop violente ( mais assurément choquantes quand on lit la Bd la première fois! héhé):
Brume détruit sa tirelire en forme de cochon avec un marteau et dit à Hubert:
- Ça c'est ce qui arrive aux cochons pas sages.
Mais l'instant d'après, en voyant l'air de Hubert ajoute:
-T'as l'air tout pâle. Tiens, prend mon pain à la chocolatine.
Passive-agressive, je vous dis!
À la page 32, un mignon petit lapin blanc assis sur un rocher se fait soudain mangé par le gros rocher juste derrière lui ( Oh! Je reconnais là la flore dangereuse de la Vallée des bannis de la série Spirou et Fantasio)
Ne vous en faites pas, à la toute dernière page de la BD, on a un croquis du même lapin en position de karaté, qui a fendu le rocher vivant en deux de l'intérieur.
Donc, humour, un peu de tendresse et pleins de péripéties sont du lot pour cette BD. Et un dragon, bien sur.
Côté graphisme, c'est visuellement très beau, avec des lignes noires absentes, des cases rondelettes, des positions corporelles très dynamiques et des visages expressifs. Le village et la nature sont inspirés de la Bretagne et donne au tout un côté bucolique. L'espace est utilisé intelligemment et sert parfois la narration. Un exemple: Les pages 38 et 39 ne sont que six longues cases horizontales sans dialogue ni narration, mais on y voit les trois personnages progresser dans la forêt sans voir que derrière, sous et près d'eux, des monstres sont tapis. On comprend le danger de cette forêt bien mieux qu'avec des descriptions. Quand les scènes deviennent épiques, comme celle où Brume lance son fameux sortilège contre le dragon, on a droit à une pleine page. L'éveil du dragon occupe carrément deux pages sans marges. La palette de couleurs utilisée est chaleureuse, souvent dans les tons verts, ocres et terres. Ça respire la nature et le naturel, c'est très plaisant. La couverture est superbe et donne le ton Héroïc autant que drôle ( avec Hubert qui tire sur la robe de Brume, trop occupée à prendre la pose pour se soucier de ses arrières).
Je dirais qu'on voit ici que le duo d'illustrateurs et auteurs ont de l'expérience, car tous les niveaux de leur œuvre sont solides et maitrisés. J'aime le brin de folie impertinente de leurs personnages, la confiance de l'héroïne en elle-même et la façon des auteurs de manier un concept quand même maintes fois employé, soit celui de la petite sorcière. Elles sont légion les jeunes sorcières en BD jeunesse comme en romans jeunesse, je le constate chaque année. Je dirais que la force de la Bd est dans son traitement plus que dans son sujet, pour cette raison.
Vous trouverez, en outre, un guide à la fin de la Bd sur l'élaboration de la Bd et ses inspirations. Le village Rockefort-en-Terre où se sont installés notre binôme auteur-illustrateur est vraiment superbe et je les comprend d'avoir voulu lui faire l'honneur d'un décor de BD. Naïa, la sorcière qui sert de modèle à Brume et ancienne sorcière du village dans l'histoire, aurait réellement existé.
Une belle réussite qui entre dans les incontournables BD jeunesse de ce mois.
Pour un lectorat du second cycle primaire et plus ( 8-9 ans+).
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Créée
le 30 juil. 2023
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