Le monstre, c'est Urban Comics
American Vampire en VF, c'est avant tout l'un des plus grands running gags de la décennie en cours. Si revenir en détails sur les tenants et aboutissants d'un tel gâchis serait bien trop long, on peut affirmer sans trop se mouiller que l'acquisition des droits de publication de DC/Vertigo en France par Urban Comics, au détriment de Panini Comics, n'aura pas fait que du bien à la série créée par Scott Snyder et Rafael Albuquerque, loin de là. Le seul conseil à donner aux lecteurs anglophiles désireux de se lancer à la découverte de Skinner Sweet et toute sa clique serait d'attendre sagement juin 2013 et la republication, en VF, par Urban Comics, des trois premiers volumes de la série principale. Une fois digérés ces derniers, puis la mini-série "Sélection Naturelle", déjà parue chez Urban, vous pourrez enfin savourer ce "Réveil du Monstre". Et encore, seulement si vous n'êtes pas trop regardants vis-à-vis du respect accordé au mode original de parution, puisque le quatrième volume est paru en VO avant cette seconde mini-série. Coup de bol ou non, ces deux histoires se déroulement quasi simultanément (1954) et n'ont aucun impact entre elles, on pourra donc faire fi de ce choix éditorial anarchique, un de plus, même si pour le coup pas dramatique.
Et sinon, c’est bien ? Clairement, oui. Dans la première partie de l’histoire, Scott Snyder étoffe encore un peu plus l’univers qu’il a lui-même créé, mettant nos héros aux prises avec ni plus ni moins que Dracula, l’occasion pour lui de nous livrer sa vision tout à fait spéciale du célèbre vampire (mention spéciale au passage expliquant comment il est devenu un personnage de fiction). On appréciera également la manière qu’il a de dépeindre les différentes races de vampires et leurs évolutions à travers les âges. Mais c’est réellement dans sa seconde partie que cette histoire prend tout son sens, en livrant une vision en profondeur des trois personnages principaux que sont Hobbes, Felicia et Gus (tous déjà aperçus dans de précédents volumes), l’un d’eux ayant d’ailleurs déjà eu affaire à Dracula par le passé. Là où Lord of Nightmares pêche néanmoins, c’est dans la manière qu’est dépeint le grand méchant de l’histoire. Certes inquiétant de par sa puissance apparemment sans pareille et l’influence qu’il a sur les êtres vivants (il ne serait d’ailleurs pas étranger aux agissements d’un célèbre serial killer anglais), il ne parvient pas à réellement passionner le lecteur, la faute à une absence physique presque continue tout au long du récit. On regrettera également, au milieu du récit, l’arrivée d’un groupe de personnages guère excitants et à l’origine de l’orientation que s’apprête à prendre la série : les vampires ne sont plus les méchants, non, le méchant, c’est le maaaal. Ceci mis à part, c’est du tout bon, avec un Scott Snyder qui, comme à chaque fois qu’il a quelque chose à raconter, prouve qu’il peut rédiger des dialogues et monologues parmi les meilleurs de l’industrie des comics. Dessinateur invité, comme Sean Murphy sur la précédente mini-série, Dustin N’Guyen ne déçoit pas, avec des crayonnages fidèles à la patte de la série et transmettant bien le côté sombre et inquiétant voulu par Snyder, bien aidé par les couleurs de John Kalisz. Clairement pas la meilleure histoire issue de l’univers d’American Vampire, Lord of Nightmares s’en sort néanmoins avec brio et fait figure d’immanquable pour les habitués de la série.