Esteban, un sacré petit Bonhomme!

Matthieu Bonhomme fait partie de ces dessinateurs de BD dont le talent saute immédiatement aux yeux, tant son trait est à la fois maîtrisé, naturel et élégant. Il semble parfaitement à l’aise dans tous les univers qu’il aborde, qu’il s’agisse de la France profonde du XVIIIème siècle ("Le Marquis d’Anaon"), le Far-West ("Texas Cowboys"), le Moyen-âge ("Messire Guillaume") ou l’univers des baleiniers ("Esteban"). Des séries qui, hélas, n’ont pas toutes rencontré le succès qu’elles méritaient. C’est particulièrement le cas pour les enquêtes du "Marquis d’Anaon", alias Jean-Baptise Poulain. Malgré les 5 albums publiés par Dargaud entre 2002 et 2008, cette série historique à l’ambiance de mystère et d’envoûtement dans une campagne où règne l’obscurantisme est malheureusement passée un peu inaperçue au milieu du flot permanent de sorties BD. Du coup, Bonhomme et le scénariste Fabien Vehlmann ont momentanément mis entre parenthèses cette formidable série, ce qui est vraiment très regrettable. Par contre, on ne peut que se réjouir du fait que les éditions Dupuis aient permis à Matthieu Bonhomme de poursuivre sa série "Esteban". A la base, ce personnage a vu le jour dans le magazine pour enfants "Capsule cosmique" en 2004. Mais lorsque ce dernier a cessé de paraître en 2006, Esteban a été "transféré" vers le journal de Spirou, où il a pu reprendre ses aventures dès 2009. Dessiné mais aussi scénarisé par Bonhomme, "Esteban" raconte l’histoire d’un jeune Indien orphelin qui se retrouve embarqué à bord du "Léviathan", un baleinier qui fait route vers le Cap Horn au tout début du XXème siècle. Dans "Le Sang et la Glace", le tome 5 qui vient de paraître, on retrouve Esteban et l’équipage du Léviathan dans une situation peu enviable: alors qu’ils viennent de s’évader du pénitencier d’Ushuaïa, dans lequel ils étaient retenus prisonniers durant la majeure partie du tome 4, à bord d’un vieux rafiot pas vraiment taillé pour la haute mer, ils se retrouvent ballotés au beau milieu de vagues déchaînées. Du coup, ils n’ont pas d’autre choix que de retourner vers la terre ferme, où ils ne tardent pas à être coincés entre d’un côté des Indiens peu accueillants et de l’autre les soldats du pénitencier. Pour ne rien arranger, le chef des soldats, le Général, est fou de rage contre Esteban et ses comparses, car ceux-ci ont enlevé son épouse Clara lorsqu’ils se sont échappés de la prison. Les esprits chagrins diront qu’"Esteban" est une série d’aventures plutôt classique, destinée en priorité à un jeune public, mais malgré tout, on ne peut que se laisser emporter par l’énergie et l’enthousiasme des aventures haletantes de ce jeune moussaillon. D’autant plus que Bonhomme, en plus d’être un remarquable dessinateur, s’affirme également comme scénariste: au fil des albums, il parvient à donner de plus en plus d’épaisseur à ses personnages. Résultat: "Le Sang et la Glace" est une histoire qui est loin de laisser ses lecteurs de glace. A recommander aux amateurs de dessin et d’aventure.