"C'est triste, mais je me suis rongé les ongles presque toute ma vie." C'est en faisant ce navrant, mais lucide constat, que Joshua Williamson (Birthright, Ghosted) a eu l'idée de son prochain comic-book, centré autour d'un tueur en série qui choisit uniquement des victimes rongées par cette même manie. Ou comment un vilain tic est devenu la base du scénario de Nailbiter, élu depuis meilleur comics d'horreur 2014 par le magazine USA Today. Publié en France le 29 juin dernier aux éditions Glénat Comics, Le sang va couler, premier tome de la série toujours en cours aux Etats-Unis est un subtil mélange de thriller et de second degré vraiment convaincant.
De quoi ça parle ?
Peut-on parler de hasard quand on découvre que Buckaroo est la ville natale de seize tueurs en série ? Evidemment, non, et ce mystère obsède Eliot Carroll, un profiler du FBI déterminé à découvrir le macabre secret qui entoure cette petite bourgade de l'Oregon (Etats-Unis). Mais lorsqu’il annonce à Nicholas Finch, un agent de la NSA, qu’il a enfin élucidé cette énigme, il disparaît mystérieusement. Finch débarque alors à Buckaroo pour reprendre l'enquête et tenter de retrouver Carroll, aidé par Shannon Crane, la shérif de la ville et son ex-petit ami, Charles Edward "Nailbiter" Warren, surnommé "le boucher de Buckaroo". Pourtant accusé de 45 meurtres avec préméditation, ce seizième tueur a été acquitté et s'en est retourné vivre dans sa drôle de bourgade. Mais l’agent Finch n’est pas au bout de ses découvertes dans cette ville où tout le monde ou presque a un lien avec un ancien serial killer.
Pourquoi j'adore ?
Parce que les tueurs en série nous manquaient ! Très à la mode dans les années 90, leurs histoires ne sont plus si populaires dans la pop culture qui les a (trop vite) remplacés par des zombies, des vampires et tout un univers de fantasy. Du coup, les nostalgiques du Silence des agneaux – auquel Joshua Williamson fait d’ailleurs référence dans Nailbiter – vont être comblés par ce récit, certes parodique, mais tordu et sanglant à souhait.
Avec ses faux airs de Twin Peaks, Buckaroo a engendré seize meurtriers. Et les dizaines d’habitants qui y habitent aujourd’hui sont tous des descendants, des amis ou des ex de ces tueurs. De quoi produire une population des plus atypique. Quant à Edward “Nailbiter” Warren, dont la signature est de ne choisir que des victimes qui se rongent les ongles pour finir le travail puis mâchouiller leurs doigts pour enfin les achever, l’homme se révèle un poil trop charmant pour être honnête.
Car au-delà de l’enquête autour de cette inquiétante statistique criminelle, Nailbiter est un thriller proposant une impressionnante galerie de tueurs, du "brûleur de livres", le premier de cette longue série, qui incendiait les bibliothèques, avec les lecteurs à l'intérieur, au "duo terrible", un frère et une sœur qui ne tuaient que des jumeaux, en passant par "la blonde" qui cousait les lèvres des hommes qui la sifflaient dans la rue. Bref, une belle brochette de tarés qui mérite à elle seule qu’on s’attache à ce comic.
Outre un scénario accrocheur et ultra rythmé, le succès de Nailbiter est à mettre au crédit des dessins au trait sûr de Mike Henderson (Teenage Mutant Ninja Turtles) et du très beau travail du coloriste Adam Gudowski qui ajoute de la noirceur au récit.
C’est pour vous si…
Comme Hannibal Lecter, vous adorez déguster du foie "avec des fèves au beurre et un délicieux chianti". Vous avez vu l’intégrale de Dexter et Twin Peaks tient la tête de votre panthéon personnel des séries. Mais surtout, si vous avez la manie de vous ronger les ongles, Nailbiter pourrait bien être le remède radical pour cesser à jamais de vous grignoter les extrémités.
Critique publiée également sur Pop Up'.