Le second tome du Sommet des dieux continue magistralement d'imposer les Grandes Jorasses, l'Annapurna, le K2, et l'Everest par le trait de Taniguchi. Si l'agencement est un peu flou et qu'on se perd de temps en temps dans les dates, les doubles-pages de dessin, notamment celle où Habu décide de redescendre solennellement de l'Everest en abandonnant son équipe, sont terrifiantes. Terrifiant, c'est le mot. Habu est décrit comme un surhomme qui forgerait l'admiration d'un dictateur en quête d'idéal ; cette-fois, il est décrit sans remords, sans sentiments, juste avec la rage de vaincre et, en plus de ce surpasser soi-même, de surpasser les autres.
Je suis un peu déçu par le traitement du personnage et de sa relation amoureuse avec Kayoko. Elle ajoute au récit et donne une histoire au héros — peut-être le seul personnage capable de sentiments humains —, mais elle est particulièrement mièvre et surtout, casse le rythme. Elle lui donne une sorte d'image d'anti-héros, incapable de prendre des décisions, mais cela s'affine vers la fin et on comprend finalement ce lien entre la femme et la montagne. La transition de la fin donne son rôle au héros, dans un troisième tome qui introduira une troisième image d'alpiniste, peut-être entre Habu et Hase, en tout cas, sur son propre sommet.
Parmi toute la magistrale pentalogie qu'est le Sommet des Dieux, et après l'avoir achevée, après avoir commencé à la lire, peu à peu, au fil des rêves que je poursuivais : le tome 2 est celui à mon sens qui mérite la perfection. Bouleversant jusqu'au profond du cœur, ce deuxième tome est celui des images. Celui qui montre le plus, celui de la monstruosité, celui qui peint une des figures d'hommes qui s'est le plus battu au monde pour poursuivre ses rêves, à n'importe quel prix. C'est enfin le seul où est mis en scène le renoncement de ce héros extraordinaire, où, seul contre tous, ils préfère redescendre avec élégance plutôt de sacrifier à la solution de facilité. Cette image confine au sublime, l'image d'un héros qui redescend à la surface du monde, si près d'un sommet qu'il est prêt à gravir, mû par l'unique désir d'aller au bout de ses exigences par les voies les plus dures, et les plus honorables. Ma photo de profil (voilà vous savez tout) depuis que je l'ai découverte, l'image de l'élégance, l'illustration de l'élégance, l'élégance de Brel dans sa dernière chanson qui porte ce nom.
Sublime. Injonction à poursuivre ses rêves, à ne jamais s'arrêter, à refuser de faire une pause, à se tuer pour ses rêves. Rêvez et faites-en votre unique désir. Rêvez, et battez-vous jusqu'au dernier soupir.