J'avais déjà été séduite par le noir et blanc velouté du tome 1, mais cette fois, il s'agit tout bonnement d'un envoûtement ! Eric Liberge est un magicien des contrastes... ses jus créent des ambiances féériques ou cliniques, à l'envi, d'une précision qui ne nuit jamais à la poésie, et ça, c'est vraiment impressionnant. On peut rester des heures à contempler le fer forgé d'une balustrade ou les colonnades austères d'une façade turinoise sans que l'action ne soit entravée par cette maestria technique. Parce que les ambiances sont saisissantes et au service d'une intrigue foisonnante et parfaitement documentée, merci Monsieur Mordillat. Bref bref, une réussite assez spectaculaire pour ce 2ème tome d'une trilogie fondée sur la symétrie des intrigues et l'immersion dans des époques dissemblables. Au centre de tout, l'énigme du Saint Suaire, qui n'en est plus vraiment une, selon Mordillat lui-même, venu exposer ses recherches à la librairie Obliques d'Auxerre l'an dernier. Peu importe, après tout, puisque la thèse de cette BD, c'est un peu que les passions déchaînées par ce linge sacré dépassent amplement son éventuelle genèse mystique. Ce sont les hommes qui se déchaînent autour de lui, dans des luttes de pouvoir tragiques, d'une cruauté si fréquente dans notre histoire, et pas des forces transcendantales difficiles à nommer. Il s'agit ici de pouvoir, tout simplement, et ça suffit amplement à l'homme pour ériger des monuments de violence.