Bon, c'est devenu une sorte de blague personnelle parce que je me retrouve une fois de plus avec un tome 2 entre les mains, sans avoir lu le tome 1. Néanmoins, la bonne nouvelle, c'est que je peux affirmer que même sans le tome 1, le tome 2 demeure compréhensible, mais je vais me mettre sur le cas du tome 1 dès demain!
Donc, cette intrigante BD jeunesse sort des sentiers battus, étrange amalgame entre "Alice au pays des merveilles", "Peter pan" et une dose d'horlogerie. Nous suivons Épiphanie, qui vient s'avoir neuf ans et si elle semble avoir guérie d'une tendance angoissée à la limite phobique dans le tome 1 ( je présume) elle se retrouve à 9 ans sans amis. Or, c'est justement d'amis dont il est question au début de ce tome. Les parents d'Épiphanie souhaitent rencontrer ses amis, mais comment avouer en avoir aucun? L'ennuie est que , pour se faire des amis, il faudrait déjà qu'elle se comporte en "enfant", mais sa peur l'ayant terriblement paralysée toute sa vie, elle en ressort excessivement prudente, carencée en imagination et déraisonnablement sérieuse! Une fois de plus projetée dans son monde intérieur, la jeune fille retrouve les personnages du tome 1 ( je présume encore) , une tablée de sympathiques hurluberlus prompts à l'aider. Pour eux, il apparait qu'Épiphanie va devoir perdre son "sérieux" et rattraper ses années d'enfance perdus. Pour cela, il lui faudra laisser en consignation ses chaussures lourdes de sérieux, prendre son envol et expérimenter le risque, le jeu et des souvenirs enfouis.
Récit introspectif particulièrement inventif, on y explore des concepts très abstraits dans un décor très concret, quoique chimérique. C'est d'ailleurs ce qui me rappelait "Alice au pays des merveilles", ça et le décor qui malmène les règles élémentaires de la logique spatiale, physique et temporelle. le fait de "flotter" sans son 'sérieux" m'a quant-à lui rappelé la légèreté de Peter Pan, l'incarnation de l'éternel enfant. Ce qui, dans le contexte, est tout-à-fait logique. Enfin, le tout m'évoque le film "Vice-Versa/Sans dessus-dessous" de Pixar, dans lequel on visualise la psyché humaine et ses composantes. On navigue donc dans un univers très créatif, mais qui repose sur des bases très humaines, comme la psychologie, les relations sociales, le rapport à soi et le rapport aux autres. C'est étonnamment complet comme univers et très bien abordé. Bon, bien sur, ce n'est pas l'histoire la plus simple , nous sommes loin des péripéties les plus basiques et des archétypes les plus répétitifs, mais c'est justement sa grande force. On sort du "standard". C'est très "profond", dans les deux sens du terme.
Sinon, le visuel est très attrayant aussi et permet de mieux comprendre les concepts les plus poussés. J'ai beaucoup aimé la forme de la "peur" d'Épiphanie, qui se module au gré de son intensité, mais qui ressemble tout de même à un dragon noir assez adorable. Les chaussures "sérieuses" m'auront bien fait rire et j'ai apprécié le clin d’œil au scénariste Georges Mélière, pratiquement le père des effets spéciaux du cinéma français et grand rêveur, dont on connait notamment sa lune sur laquelle s'écrase une fusée.C'est justement cette lune qu'on voit dans la BD. Les cinéphiles reconnaitront également des visages familiers dans le cinéma de vie d'Épiphanie. Aussi, observez le reflet d'Épiphanie au début de la BD, il semble offrir une version différente de la petit protagoniste.
Du point de vue visuel, c'est vraiment beau à l’œil, très en contrastes. Les couleurs jouent un rôle important dans la Bd, notamment dans la charge émotive, tout en étant agréables.
C'est donc une BD assez différente des autres, riche en apprentissages, profonde et qui se lit sans difficultés. le genre de Bd que je recommande à ceux et celles qui ont envie d'explorer de nouveaux horizons ou juste d'avoir le plaisir d'une Bd bien montée et visuellement attrayante.Une Bd qui met de la chaleur dans une journée et cultive le gout pour l'inattendu!
À découvrir!
Bon, allons maintenant lire le tome 1! Et quand je dis "Nous", ça signifie"moi"...