…, une adaptation de l’Île au trésor de plus, c’est du vu et revu. Mais on peut se dire que le roman de Stevenson, proposant plus de vocabulaire en trois cents pages que deux ans de programmes de W9 et C17 cumulés, est illisible en 2015 pour les trois quarts des natifs de 2001. Et puis il faut se rendre à l’évidence : les histoires de pirates, avec perroquets, jambes de bois et drapeaux à tête de mort, ça n’a pas mieux vieilli que trois gallons de pommes sans pesticides conservées dans un tonneau.
En fait, je crois que l’idée même d’adapter l’Île au trésor est vieillotte. Même avec quelques modifications par rapport à l’œuvre originale. Même avec des personnages aux têtes d’animaux – le trait rappelle plus De cape et de crocs que Blacksad, le récit d’aventures à l’ancienne que le roman noir. Et c’est peut-être ce caractère vieillot qui fait de Jim Hawkins est une prouesse. Oui, dans un sens, il fallait oser.
Je me suis d’abord demandé quel public était visé par le Testament de Flint : à cause des personnages à têtes d’animaux, toujours. Les mômes ? – mais l’album se distingue du tout-venant de la production destinée à cette catégorie d’âge. Les adolescents ? – le site internet de l’éditeur indique « à partir de douze ans », mais je tenais typiquement les albums comme celui-ci pour des gamineries quand j’avais douze ans. Ces adultes amateurs de bande dessinée que certains éditeurs cajolent parce qu’en effet, ils ont des exigences enfantines et un salaire de cadre ?
Et s’il n’y avait pas de public cible ? Et si l’album n’était pas, tout simplement, un plaisir d’auteur ? Le Testament de Flint, malgré les lettrages à l’ordinateur, sent l’œuvre personnelle : Sébastien Vastra s’est occupé de tout. Le jeu sur les cadrages et la narration montre clairement un minimum de recherches formelles. Les couleurs, le trait, le découpage, les dialogues confirment la discrète mention « 2011-2014 » de la dernière planche : ce n’est pas un travail bâclé.
Les esprits chagrins trouveront que c’est la moindre des choses, les curieux remarqueront que lorsqu’un auteur ne donne pas l’impression de bâcler son album, le lecteur n’a pas envie d’en bâcler la lecture, et revient plus ou moins vite à l’idée de le relire.