Une fin cataclysmique, à la hauteur des espérances avortées de tout un peuple écrasé par un pouvoir aveugle. L'histoire de toujours : les forces de la Réaction, mieux organisées, avec des siècles d'expérience de l'oppression derrière elles et des troupes déshumanisées pour appliquer leurs consignes iniques, finissent pas écraser une révolte brouillonne mais généreuse, insuffisamment théorisée et victime de son bouillonnement intérieur. On comprend la révolte des auteurs, leur désenchantement : tous les soulèvements spontanés ont toujours fini comme ça jusqu'à présent. Mais rien n'est immuable, et la lecture de pavés comme cette histoire dramatique et traumatisante peut servir de barricade contre la barbarie de forces armées serviles et brutales. Autant dire que sa lecture est absolument indispensable, sans compter le plaisir qu'elle procure, comme ces histoires en épisodes qu'on suivait jadis, l'oreille collée à sa radio crachouillante. Une plongée magistrale dans un Paris sens dessus dessous, magnifiquement rendu par le pinceau magique de Tardi. Et puis quelle verve dans les dialogues, quelle invention dans le récit, quelle cohérence dans le propos ! Des flots de sang citoyen viennent conclure une histoire amère et belle, comme on les cherche quand on ouvre une BD ou n'importe quel roman. Seul bémol à mon avis : la lourdeur des références historiques, car il s'agit là d'une somme extrêmement documentée. C'est une qualité, mais ça entrave parfois le récit.