Ha voilà une belle aventure !
Deux choses m'ont frappé au cours de ma lecture. Tout d'abord, j'ai eu l'impression que Van Hamme avait pas mal repompé sur Martin. La manière dont Alix s'exprime, par moment, ça m'a vraiment fait penser à "Thorgal" en train délivrer ses pamphlets sur la liberté et la cruauté des hommes.
Ensuite, c'est la violence, la noirceur de cet album ! Des enfants se font tuer, déjà, c'est très fort de s'y attarder, mais si en plus on évite toute forme de sentimentalisme à leur égard, c'est encore mieux. Il y a cette secte aussi qui fait peur avec cette soif insatiable de sacrifices. Diantre !
Le scénario est assez simple et plutôt efficace. J'aime la manière dont Martin nous présente ces gens, leur façon de vivre, les conflits qu'ils vivent et puis j'aime la manière dont il parvient à insérer Alix au milieu de tout ça. Les conflits sont bien distillés, les résolutions bien trouvées. Ajoutons à cela un côté aventure qui n'est pas sans rappeler "Les Cigares du pharaon" ou d'autres Tintin et me voilà conquis. Cet album est très divertissant et plutôt bien construit.
Graphiquement, Martin continue de s'améliorer. Son dessin est toujours plus précis, riches en détails sans pour autant s'éparpiller en traits inutiles ; ainsi, ses planches restent toujours lisibles. Il y a quelques chouettes masses de noir lors des scènes de nuit, ce qui me fait regretter que l'auteur ne joue pas plus avec le contraste (comme Hergé d'ailleurs : les rares fois où il s'essaie aux masses de noir, le résultat est superbe, c'est donc dommage qu'il ne les exploite pas plus). La mise en couleurs est également toujours aussi efficace. Graphiquement, en fait, je ne reprocherai que les nuages de la page 60 que je trouve bizarres ainsi que quelques cadrages qui auraient pu être plus dynamiques, notamment lors de la course de char trop statique en dépit de plans très spectaculaires (en contre-partie, la scène est lisible, un peu comme les BD de Morris qui ne sont pas forcément belles parce que l'auteur privilégie toujours la clarté de l'action).
Enfin, notons que l'auteur parvient enfin à doser la quantité de texte ; ainsi, la voix off n'écrase pas trop le dessin. De plus il sert vraiment de complément au dessin : de toute cette violence, nous ne verrons donc rien, même lorsque Alix se contente d'assommer un garde et pourtant on la ressent : ça c'est parce que l'auteur gère admirablement bien les ellipses (on est loin des débuts parfois obscurs de la série à ce sujet là).
Bref, j'ai passé un très bon moment de lecture devant cet album un peu glauque.
PS : Héraklion a disparu. J'ai feuilleté l'album suivant et pu constater qu'il sera de retour prochainement, mais c'est un peu bizarre d'avoir zappé le personnage ainsi. Est-ce que Martin l'aurait récupéré à cause de la volonté des lecteurs, comme ce fut le cas pour Enak ? En plus, Enak n'a pas trop le temps d'agir comme un boulet, il agit même en homme par moment ! J'ai tout de même bien ri à la page 28 quand il tombe à l'eau et à la page 5 surtout, quand il se planque à toute vitesse alors que l'aigle fond sur eux (il a tellement l'habitude de s'en prendre plein la tête qu'il est maintenant capable de fuir plus vite que n'importe qui d'autre).