Quel étrange objet que cette BD. Un véritable mélange de genre.
Le dessin, très moderne, très numérique, évoque le style de « Lou ! » Du même auteur mais mets en place un univers bien différent, sorte de monde parallèle fantastique à l'arrière goût uchronique.
Alors que ce genre d'imaginaire médiéval/steam/mécha est généralement le décor d'aventures épiques et de combats, le parti pris ici est de nous mettre à l'écart de toutes les guerres et les intrigues politiques qui nous sont suggérées et de suivre un personnage qui préfère en être dans son coin pour cuisiner tranquillement. C'est surprenant d'instaurer un univers guerrier avec des monstres et tout le tsoin tsoin, pour finalement raconter une simple histoire de famille. Certes, action et mystère seront de la partie, mais c'est presque une touche en plus que le cœur de l’œuvre.
Polpette n'est pas vraiment le protagoniste, ils sont plusieurs. Tous forts de caractère, avec leurs qualités et leur défauts. Ils vivent au Coq Vert, isolés d'un monde que le comte Fausto n'a pas connu et que d'autre n'ont que trop subi.
On a vite tendance à juger un personnage de fiction, à le classer dans une catégorie au bout de quelques cases. Dans cette BD on nous les présente pour ensuite nous montrer une autre face de leur personnalité, si bien qu'à la fin de l'album on nuance plus nos regards sur certains caractères.
Et puis il y a la nourriture. J'adore manger, j'adore la BD, autant dire que je n'ai pas hésité longtemps pour faire passer celle-ci en priorité, et je n'ai pas été déçu. Des recettes viennent ponctuer le récit dès qu'elles y sont citées, ainsi l'on peut se délecter d’appétissantes descriptions de petits plats et autres cocktails. L'envie d'essayer de les reproduire ne manquera pas à qui aime cuisiner.
Je ne sais pas si cet album à rencontré du succès et si la suite annoncée dedans verra le jour, j'en doute puisque c'est sorti il y a un moment, quoi qu'il en soit celui-ci se suffit à lui-même, apporte quelque chose de nouveau dans les rayons parfois répétitifs de la bande dessinée, et c'est déjà pas mal.
On peut être hermétique au dessin et/ou aux couleurs, ce qui peut poser problème pour une histoire qui repose beaucoup sur son ambiance. Mais cette BD prend différents ingrédients graphiques et narratifs et en fait un ensemble inattendu qui surprend en bien.
Au delà de son aspect atypique, rien d'exceptionnel pourtant : narration classique, flashbacks attendrissants, scénario très banal.
J'aime l'art comme la nourriture : j'y ai mes valeurs sûres, mes goûts marqués, mais aussi la curiosité de déguster de nouvelles saveurs, d'élargir ma vision des choses, ma gamme de ressentis.
Tels deux chefs cuisiniers créatifs, les auteurs créent une recette qu'on n'aurait pas forcément pensée de bon goût et dont résulte une œuvre d'art gourmande que j'ai dévorée sans modération.
Bon appétit !