Bienvenue dans le monde d’un homme immortel. Sans nom et sans histoire, il traverses les âges, entre passé et futur. On le voit faire de l’auto-stop le long des routes, puis tomber sous les balles d’un fou de dieu… et le voilà qui réapparaît entre deux filles, au cœur d’un désert de l’Arizona, avant de reparaître à nouveau dans le compartiment d’un train rétro-futuristes.
Sans émoi, sans affect, l’homme semble souffrir d’une profonde mélancolie. Et pour cause, il est immortel. Mais à quoi bon l’immortalité dans un monde sans espoir, où les hommes sont égoïstes et cupides, où règne la violence, où se succèdent les catastrophes, où les ressources naturelles ont quasiment disparu et où la vie se révèle vite être un enfer.
Après Abaddon, Coupes à cœur et Love Addict, l’auteur d’origine israélienne Koren Shadmi compose un récit de science-fiction découpé en chapitres, avec pour chacun sa propre gamme chromatique, comme autant de nouvelles dans lesquelles notre antihéros se voit successivement confronté aux pires maux des époques qu’il traverse, constatant, impuissant et fataliste, la folie des mortels courant à leur perte.
Avec Le Voyageur, Shadmi propose une fois encore un livre bien singulier et intriguant. Avec une économie de dialogues, dans un style graphique sec et dépouillé, renvoyant aux univers de David Lynch mais aussi aux séries des années 60 comme La 4e dimension ou Au delà du réel, il amorce une réflexion à la portée philosophique sur la condition humaine, et sur ce qui pousse les humains à devenir mauvais, sans toutefois apporter de réponse ni de solution. Et c’est bien en cela que le livre se révèle troublant, de par son aspect suggestif et de par les interrogations qu’il peut susciter chez le lecteur… touchant évidemment à la question de la vie éternelle, obsession majeur des hommes depuis des décennies, au même tire que la vie extraterrestre. https://www.benzinemag.net