Mesozoïc Park

Alors que le tome précédent délaissait Spirou et Fantasio pour mettre le marsupilami au centre de l'album, c'est au tour du Comte de Champignac de devenir la figure centrale de cette aventure-ci. Spirou y interviendra bien entendu, mais Fantasio, quant à lui, ne sera utilisé que comme un simple ressort de gags, un peu extérieur au déroulé de l'histoire.
Petite anecdote en passant, mais suite au fait d'avoir été ridiculisé dans cette histoire, Fantasio entamera une grève au sein du journal de Spirou qui durera quelques semaines (sans doute encore une idée de ce diable d'Yvan Delporte qui n'en manquait pas et était furieusement méta avant l'heure).

Bien des années avant Michael Crichton et Steven Spielberg, Franquin ressuscite un dinosaure qui va semer la pagaille dans le village de Champignac pour notre plus grand plaisir.

Franquin s'amuse vraiment au dessin, aussi bien dans les scènes arctiques qui ouvrent l'album que lors des scènes de panique provoquées par l'énorme bête dans le village qui est prétexte à de nombreux gags visuels.

Pourtant, Franquin s'y montre encore une fois gentiment pamphlétaire en faisant par exemple manger un savant atomiste du nom de Sprtschk sur le point de mettre au point une super bombe à hydrogène par le platéosaure, ou lorsqu'il caractérise les militaires comme de gentils imbéciles ou des crétins colériques dans une sorte de répétition édulcorée de ce qu'on pourra trouver plus tard chez Gaston (à noter une apparition éclair de Gaston d'ailleurs) ou dans les idées noires.

Le ton de cette histoire est donc plutôt léger et tourné vers l'humour, mais on y voit poindre certaines angoisses et préoccupations récurrentes de l'ami André.

La seconde histoire courte intitulée La peur au bout du fil qui complète l'album est aussi réussie qu'elle est drôle. On y voit un Comte de Champignac devenu fou à cause d'un breuvage avalé par étourderie se muer en génie du mal (plutôt gentil puisque l'insulte suprême qu'il répète à longueur d'histoire accompagné d'un rire dément est : " Je vous dis zut!" (ce qui renforce l'aspect comique de la chose).
On peut voir dans ce Champignac devenu fou une sorte de précurseur du Zorglub à venir, et de manière générale avec Sprtschk dans Le Voyageur du Mesozoïque, ils incarnent une remise en question de l'idéal des années cinquante qui voulait que la science finisse par apporter une solution à tous les problèmes de l'humanité tout en reflétant les angoisses de l'époque sur notre possible annihilation à cause des "savants fous", et de ceux qui les emploient.

Dans l'ensemble, Le Voyageur du mésozoïque est une album réussi et amusant qui, s'il est plutôt léger, distille certaines angoisses et un coté désabusé de Franquin face à une science qui n'a pas pu tenir toutes ses promesses de lendemain qui chante et se trouve génératrice de nouvelles sources d'angoisses.