Ce péplum culte qu’est « Murena » ne serait-il qu’une série à rallonge de plus dans le domaine du neuvième art, a fortiori quand celui-ci rencontre le succès ? Un triste constat qui, à moment donné, nous ferait dire, un brin excédé : Vivement que cela s’arrête ! On pourrait être tenté de le faire à la lecture de ce chapitre 11, troisième tome du Cycle de la mort, qui n’a pas été l’événement qu’il aurait dû être lors de sa sortie en novembre, même si les ventes n’ont pas démérité.
Bien sûr, la qualité narrative est toujours là, avec son lot d’intrigues de palais, mais hormis l’apparition d’un personnage marquant, celui du L’Hydre, une femme esclave et gladiateur qui semble avoir des secrets à révéler à Néron, et fera tout pour l’approcher, cet opus n’apporte guère de surprises. Les jeux sexuels si bien décrits tout au long de la série, avec juste ce qu’il faut d’élégance, se poursuivent dans une tonalité légèrement racoleuse mais pas du tout désagréable – et l’on sait qu’à cette époque, le libertinage était monnaie courante dans les classes aisées. Cette fois, le beau Lucius va se retrouver pris dans les griffes d’un personnage fictif, tout comme lui (la série mêle personnalités historiques et inventées). Il s’agit de Lemuria, libertine riche et oisive que l’on avait découverte à la fin du tome précédent, et qui a fait de Murena son objet sexuel en le droguant. Certains verront sans doute dans cette liaison lorgnant vers le SM un argument d’achat, mais si l’on s’en tient au scénario, on est bien obligé de constater un certain reflux. Néanmoins, on ne saurait en vouloir aux auteurs. On peut également en déduire que ce n’est que le calme avant la tempête, puisque l’on va assister ici à la naissance d’un complot visant à assassiner Néron, la fameuse conjuration de Pison.
Le problème avec « Murena », c’est que les auteurs, Jean Dufaux en premier lieu puisqu’il est le porte-drapeau du projet, ont mis la barre si haut que le lecteur est tenté d’être toujours plus exigeant. Mais si la narration semble en retrait, c’est visiblement parce qu’il s’agit d’un tome intermédiaire, qui reste évidemment d’un très bon niveau. Théo, le dessinateur remplaçant de feu Delaby s’acquitte de sa mission avec professionnalisme et talent, même si on pouvait noter un peu plus de finesse dans le trait de son prédécesseur.
De plus, Jean Dufaux l’a annoncé dès le départ, la saga s’étalera sur 16 tomes, ce qui réduit à néant toute allégation de mercantilisme. Et puis « Murena » n’est décidément pas une série comme les autres, de par son niveau d’excellence, sur le fond comme sur la forme, ses références historiques et son souffle unique.