Ce documentaire arrive à point nommé pour décortiquer l’affaire du financement lybien de la campagne présidentielle de 2007 en France. Alors que les auditions viennent de démarrer pour Nicolas Sarkozy et les prévenus, et ce jusqu’en avril, l’auteur du film déroule avec minutie le fil chronologique d’une affaire édifiante qui impliqua non seulement l’ancien chef de l’Etat mais également certains de ses proches, dont les ex-ministres Claude Guéant et Brice Hortefeux.


Personne n’y comprend rien. Excellent titre pour ce documentaire, inspiré par l’une des fameuses déclarations outrées de l’ancien Président de la République, avec juste ce qu’il faut d’ironie… Cette enquête filmée sur l’affaire Kadhafi-Sarkozy, réalisé par Yannick Kergoat et co-produite (fort logiquement) par Mediapart, le journal qui a lui-même porté l’affaire au grand jour en 2012, permet désormais de tout comprendre, démentant ainsi les affirmations dudit Sarkozy !


Tout au long d’un docu aussi palpitant qu’un thriller policier, le spectateur va pouvoir reconstituer un puzzle, qui, s’il peut paraître quelque peu complexe au premier abord, s’avère aussi simple qu’un jeu d’enfant ! Les pièces de ce puzzle, ce sont les événements et protagonistes qui ont fini par paraître familiers au grand public à force de les voir à la Une depuis ces dix dernières années et quelques : de l’affaire Karachi en 1994, qui représente en quelque sorte la genèse des événements, jusqu’à la fausse rétractation de l’homme d’affaires libanais Ziad Takkieddine en 2020, grosse ficelle médiatique et coup de théâtre raté, tout y est… en passant évidemment par les deux grandioses campagnes « à l’américaine » de notre farouche adepte de la politique au Kärcher !


Mais cette enquête, menée avec le sérieux qui caractérise Mediapart, nous offre parfois des séquences cocasses. Les moments où l’on entend le plus de rires dans la salle sont ceux où apparaît en interview des JT, un Nicolas Sarkozy tout en spasmes d’épaules et monté sur ses ergots caliméresques. La tactique rhétorique, celle de la « vierge effarouchée », est simple et bien rodée. Les juges vous embêtent ? Accusons « la république des juges », d’un bord politique prétendument opposé au vôtre et uniquement animés par la haine ! Les journalistes vous embêtent ? Accusons Médiapart de n’être qu’une « officine de la gauche » ! En espérant que le téléspectateur un tant soit peu humain verse sa petite larme compassionnelle…


Et comme on le sait, il n’y a pas de meilleure parade que l’attaque… mais ce serait oublier la rigueur d’un media dont le succès n’est plus à prouver, lequel ne vit, faut-il le rappeler, d’aucune subvention ni publicité, garantie d’indépendance vis-à-vis du monde politique, ce dont peu de journaux peuvent se targuer en France… Quoiqu’on en pense, ses journalistes font ce que l’on attend d’eux (ici en l’occurrence Fabrice Arfi et Karl Laske), avec un vrai travail d’investigation. Ils possèdent une déontologie digne de ce nom, notamment en élaborant leurs contenus à partir de faits vérifiés, et comme il est rappelé dans ce documentaire, n’ont jamais été condamnés malgré les récurrents procès en diffamation à leur encontre.


A l’opposé de cela, l’enquête montre clairement les liens entre le pouvoir politique et une grande partie des médias (induisant l’autocensure de ces derniers sur des sujets « trop sensibles »), en dévoilant à plusieurs reprises des écoutes téléphoniques ou des échanges par mail ou textos entre les protagonistes. Que dire du fait que Nicolas Sarkozy siège au conseil d’administration de Lagardère, propriétaire de plusieurs grands médias (dont Paris Match, impliqué dans la rétractation fumeuse de Takieddine) ? Une situation à laquelle nous ne sommes que trop habitués mais qui devrait choquer tout citoyen soucieux de transparence de l’information.


Personne n’y comprend rien n’a rien du brûlot vengeur, et dans son souci d’éthique très en phase avec celui de Mediapart, Yannick Kergoat a l’élégance de préciser au début du documentaire que les prévenus sont toujours présumés innocents. Ainsi, il va sans dire que ceux qui l’ont visionné suivront avec le plus grand intérêt l’évolution du procès en cours…

LaurentProudhon
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le 16 janv. 2025

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