Les Aventures complètes de Little Nemo par arnonaud
Critique vis à vis des deux premières intégrales Milan de Little Nemo in Slumberland sur les périodes 1905-1907 et 1907-1908.
Little Nemo in Slumberland est vraiment une oeuvre incroyable. C'est l'une des plus anciennes BD dans sa forme moderne (1905) et en même temps, l'une des meilleures, l'une des plus belles et clairement, une des plus artistiques.
C'est vraiment l'une des bandes dessinées qui à les planches les plus belles, qui peuvent vraiment être apprécier comme des tableaux par un large public (je l'espère en tout cas). Il y a pourtant pleins de BD forts belles et qui peuvent être exposer, mais je trouve que Little Nemo dégage quelque chose d'autres, sûrement dû à l'extrême précision de son dessin, à la poésie de l'univers développé par Winsor McCay et par cette esthétique tiré des illustrations et affichages Art Nouveau (avec les gros contours extérieurs des premiers plans et personnages notamment).
En tout cas une chose est sûr, c'est que c'est vraiment exquis visuellement, d'une incroyable maîtrise et ça n'a pas pris un ride. Les personnages sont mignons et incroyablement vivants, la représentation du mouvement est sublime et d'une justesse folle (là où l'on a souvent pointé du doigt la maladresse des dessinateurs des premières décades de la BD dans la façon de représenter le mouvement) et il y a une vraie inventivité, un vrai côté iconoclaste, expérimental qui rend les pages vraiment délicieuses. Entre les jeux de mises en pages, de déformations des personnages et des décors (toute la saga du palais des mirages !), le jeu même sur la page (le gag où ils se mettent à manger les lettres du titre !) et toute la fantaisie de l'univers de Slumberland (la lune ou le fauteuil serpent, pour citer quelques exemples marquant)... On en prend vraiment pleins les mirettes. Et que dire de Flip qui, pour un personnage secondaire d'une BD pour, à priori, des enfants, est quand même sacrément décalé (et très sympathique d'ailleurs, malgré ses relents racistes avec le petit sauvage).
Mais le mieux avec Little Nemo, c'est qu'outre la virtuosité graphiquement qui est tout de même tout bonnement exceptionnelle, le scénario n'est pas mal non plus. Au fil des pages il y a vraiment tout un univers narratif qui se construit, basé à la fois sur la répétition et la surprise (surprise de la thématique et de la trouvaille de la semaine). Toute la première partie où les valets de Morphée essayent désespéramment d'amener Nemo au palais pendant des mois et des mois est très drôle, de même pour ce défilé interminable de 1908 pour remercier Marie d'avoir retrouver Nemo et qui n'en finit plus. McCay aime vraiment jouer avec notre patience, notre agacement, et c'est assez amusant. Il y a en outre la chute, où l'on a perpetuellement une variante du réveil de Nemo. Un coup il tombe, un autre il se fait réveiller par ses parents... Ce qui est marrant, c'est de voir l'évolution de son entourage à son égart. Au début, ils se demandent ce qu'il a pu manger avant d'aller au lit, le rassure, et à la fin ils se mettent à l'engueuler, à lui dire de se rendormir au plus vite et se demandent quel est son problème...
Et puis bon, il y a aussi pas mal d'autres gags amusants, notamment avec Flip et le petit sauvage, et franchement, on ne s'ennuie pas une seconde en lisant ces pages, entre l’émerveillement visuel et les petites blagues de McCay (et ses délires comme le moment où l'on voit le Père Noël rouler à fond en bagnole dans le palais de Slumberland !). Et n'oublions pas les gags plus poétiques et touchants, eux aussi très sympathique, comme toute la partie dans le faubourg qui se termine vraiment de manière superbe, ou les gags sur le changement d'année avec toujours une vision très belle de la chose.
Bref, je ne vais pas m’étendre plus longuement. Il faut bien admettre que Little Nemo in Slumberland à beau être une très vieille série, ça ne l'empêche pas d'être un vrai chef d'oeuvre et, il est vrai, une des meilleures BD au monde. A lire absolument.