L'avis de 666Raziel
Mettre en avant le nom d'un auteur comme argument commercial, c'est parfaitement compréhensible. Mais qualifier les récits qui nous intéressent aujourd'hui de cultes, c'est déjà beaucoup plus...
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le 22 juil. 2016
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Comics de Alan Moore, Rick Veitch, Dave Gibbons et Curt Swan (1986)
A chaque fois que je lis du Alan Moore, je suis toujours épaté par la qualité de son écriture, qui me surprend à chaque fois. Et il faut dire qu'il est, en outre, extrêmement bien accompagné aux dessins dans ce tome.
Cet album est absolument génial. On a trois histoires de Moore sur le Superman de l'âge d'argent qui sont toutes plus excellentes les unes que les autres.
Pour du contexte vite fait et assez grossièrement pour ceux qui ne sont pas d'énormes férus de comics : pour Superman, on appelle l'âge d'or la période des années 30-40, et l'âge d'argent la période des années 50 à 86. Dans les années 50 à commencer à créer de nouvelles versions des héros comme Flash et Green Lantern et il a ensuite été décidé que les aventures des années 30-40 s'étaient passé sur une terre parallèle à celles parues à partir des années 50.
On peut aussi parler d'un âge de bronze à partir des 70 où les auteurs commencent à être d'anciens fans et commencent à ramener des thématiques plus réalistes/sombres dans les comics, par petites touches (notamment dans la fameuse série Green Lantern/Green Arrow avec le sidekick de Green Arrow qui se drogue), avant que des scénaristes comme Frank Miller et Alan Moore se ramènent et aillent de plus en plus loin dans la noirceur, le fameux "grim & gritty", qui sera très très populaire dans les années 90 (de manière assez superficielle) et 2000 (dans une volonté de "réalisme" et de modernisation). Et en parallèle de la popularisation du grim & gritty, Moore qui avait été un des principaux instigateurs s'en est progressivement détaché.
J'ai évoqué 86 plus haut, c'est l'époque où DC publie Crisis on Infinite Earths, un énorme event qui est l'occasion de se débarrasser des terres parallèles qui s'étaient multipliées durant le silver age, et ils ont aussi rebootés et modernisés leurs héros. Notamment Superman qui a eu une nouvelle origin story sous la houlette de John Byrne.
Et pour enfin en revenir à cet album, c'est donc des récits avant Crisis, avec le Superman de l'Âge d'Argent, et le dernier récit du tome est vraiment pensé comme la conclusion des aventures du Superman de cette époque.
La première histoire "Pour celui qui a déjà tout" est absolument incroyable. Déjà, c'est Dave Gibbons qui est aux dessins, donc c'est le duo de Watchmen qui est à l'œuvre avant l'heure, et ils font déjà des merveilles ensemble. C'est magnifique graphiquement, et scénaristiquement Moore mixe incroyablement bien le côté enfantin des comics de l'époque avec la noirceur qu'il aimait y apporter. On a un Superman qui est piégé dans un rêve de la vie qu'il aurait pu avoir sur Krypton, dans son esthétique silver age qui est assez différente de celle qu'on connaît aujourd'hui, et ça part dans un délire incroyable avec le père de Superman qui vire facho et dirige une secte, c'est dingue. Et celui qui a piégé Superman dans ce rêve c'est le vilain Mongul, que je considérais comme un méchant un peu naze jusque là, mais qui est ici absolument jouissif, que ce soit dans son écriture ou la manière géniale qu'a Gibbons de le dessiner et qui le rend immédiatement marquant. Y a aussi Batman, Robin (Jason Todd) et Wonder Woman qui sont présents dans ce récit et qui sont eux aussi très biens utilisés. Bref l'album commence vraiment très très bien.
On a ensuite une histoire qui est un team-up entre Superman & Swamp Thing, dont Alan Moore écrivait la série régulière à l'époque. Et là aussi c'est dingue : Superman tombe malade à cause d'une mousse venant de Krypton et devient complètement fiévreux et mourant, et Swamp Thing va essayer de le soigner. Moore utilise une narration inspirée des comics d'horreurs et fait vraiment des merveilles avec. C'est hyper bien raconté, et la narration joue super bien sur le côté hallucination fiévreuses, c'est bourrés de bonnes idées et c'est bien aidé par un Rick Veitch très en forme aux dessins et inventif dans son découpage. Là aussi un numéro de très grande qualité.
Et enfin, on a le diptyque des Derniers Jours de Superman qui est une superbe lettre d'adieu au Superman de l'âge d'argent. Comme je le disais dans ma longue intro, en 86, suite à Crisis on Infinite Earths, la décision à été prise de rebooté Superman, avec John Byrne aux commandes, pour le moderniser. L'éditeur des titres Superman depuis les années 70 en profite pour quitter son poste, mais avant ça il décide de proposer une sorte de conclusion à cette version de Superman dans une "histoire imaginaire" (à l'époque, il était courant de proposer des histoires hors-continuité de Superman, qui étaient baptisées "histoires imaginaires", pour permettre aux auteurs de s'amuser sans brusquer le statut-quo, et les auteurs et éditeurs étant bien conscient du potentiel de Superman dans ce type de récit).
Alan Moore épaulé de Curt Swan, le dessinateur phare de Superman depuis les années 60 et s'apprêtant lui aussi à passer le relais, offrent une superbe histoire qui sonne un peu comme la fin de l'innocence pour le héros. C'est assez fascinant parce que le récit est à la fois imbibé d'une ambiance silver age et en même temps Moore le fait petit à petit sombrer dans le grim & gritty dont il était friant à l'époque (et qui fera énormément d'émules). Et ce que j'aime c'est que malgré tous les évènements hyper choquants et sordides auxquels on assiste, Moore arrive à garder une certaine poésie, et l'ambiance mélancolique et crépusculaire de ce récit est très réussie. Y a plein de passages géniaux, la splash page finale de la première partie est dingue et ce Superman partant en ouvrant une porte dorée est incroyable. Et que dire de la réinvention grim & gritty de mxyzptlk ? Je n'aurais jamais pensé voir ça un jour, c'est totalement fou, et j'espère qu'aucun scénariste n'a réutilisé ce concept depuis parce que le perso me paraît mieux en symbole de bouffonnerie innocente.
Je pense que ce qui permet de faire passer les éléments les plus sombres du récit, c'est d'une part les dessins de Curt Swan qui restent vraiment dans la tradition de l'époque, et qui conservent donc un côté naïf, une forme de simplicité, et le fait que si les vilains deviennent beaucoup plus extrêmes, Superman reste le personnage positif de l'époque, même s'il est mis à très très rude épreuve. La conclusion du récit semble même être un garde-fou vis à vis de l'idée de faire basculer Superman lui-même dans le grim & gritty.
Un petit mot sur l'encrage tout de même puisqu'il s'avère que le premier épisode des Derniers Jours de Superman est encré par le regretté George Pérez et le résultat est sublime. On a à la fois les versions hyper iconiques des personnages par Swan et l'encrage hyper détaillé et hyper beau de Perez, c'est un combo assez génial. Sur le 2e épisode, c'est un encreur culte du Superman du Silver Age qui prend le relais, Kurt Schaffenberger, et le résultat est également très sympathique.
A noter qu'il y a plein de superbes bonus à la fin de l'album, qui donnent bien le contexte des Derniers Jours de Superman et qui montrent bien l'ambiance "fin d'une époque" qui régnait alors. On se rend aussi bien compte à quel point l'histoire de Superman était déjà très longue et riche à l'époque. C'est vraiment d'excellents bonus.
Bref, un album absolument génial que j'ai adoré du début à la fin. Ca rappelle qu'il est tout à fait possible d'écrire du bon Superman, même en continuité comme le montre les deux premiers récits, et même avec Superman surpuissant comme c'était le cas de celui du silver age. Une excellente lecture, et clairement un indispensables des histoires consacrées à Superman.
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Créée
le 14 févr. 2023
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