Les Équinoxes
7.6
Les Équinoxes

Roman graphique de Cyril Pedrosa (2015)

Peu avant d’avoir achevé la lecture des Equinoxes, un ami, qui lisait mon exemplaire par petits bouts lorsqu’il n’était pas dans mes mains, m’a dit après l’avoir terminé : « J’ai été déçu de la fin ».


Cette phrase me fait souvent sourire. Les Equinoxes, c’est précisément un récit où aucune fin n’est possible ; ce ne sont que des instants de vie, des destins entrecroisés. On ne clôt pas un bout de vie comme on clôt une intrigue.


Les portraits esquissés, les voix partagées, continuent cependant de raisonner lorsque le livre est refermé. Et quel livre ! Un objet magnifique, avant toute chose. Un roman graphique qu’on a envie de caresser du bout des doigts, dont chaque vignette est un délice pour les yeux. Et si le graphisme m’a conquise, le fond est lui aussi réussi : simple mais percutant.


S’interroger sur le sens de la vie, ou le leitmotiv d’un grand nombre d’artistes. Encore faut-il savoir le faire avec brio, sans s’appesantir avec un pathos niaiseux ou de grandes questions philosophiques débattues sans grande conviction ; ici, c’est naturel, fluide. Et pourtant, si chaque histoire est différente, chacune fait vibrer une corde sensible et personnelle, à sa façon. C’est mélancolique, mais pas fondamentalement triste. Pedrosa crée une beauté vivante, qui happe, alternant le dessin et des pages de texte, donnant voix à chacun - atomes perdus, mais indispensables.


Certaines références m’ont plus particulièrement touché, et notamment la mention répétée des Vagues de Virginia Woolf, comme un hommage à celle qui est parvenue à coucher sur le papier et rendre tangible les mouvements de l’âme, le va-et-vient des impressions. Le souvenir de cette lecture a instantanément été ravivé, m’a rappelé l’impact qu’avaient eu sur moi ces mots.
Sans oublier les moments musicaux, des mots silencieux sur du papier glacé, des bouts de chansons, qui laissent pourtant place à suffisamment de mélodie pour que l’on se retrouve soudainement à fredonner les Smiths et le refrain persistant de Panic, « Hang the dj », avec l’un des personnages.


Enfin, comment ne pas mentionner le travail d’angles et perspectives. Le cadrage est tantôt simple, tantôt expérimental, le trait relativement conforme à ce que l’œil connaît puis semble soudainement jouer avec la matière, la couleur – qui ne cesse de changer, comme se succèdent les saisons du récit.


On a envie d’y revenir, de la redécouvrir, de faire durer le plaisir une nouvelle fois, et plus longtemps !

Angie_Vinty
9
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Créée

le 25 févr. 2018

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Angie Vinty

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