À la fin de l’épisode précédent, on avait laissé nos deux enfants sans mère dans une colonie de vacances. Quelques années ont passé, on cultive des tomates, l’un des frères n’a pas fait le deuil de sa mère et l’autre aimerait bien faire celui de son pucelage. Du reste, un nouveau narrateur – mais qui ? – intervient au début et à la fin des Frontières.
Ce troisième album fournit l’occasion d’en savoir un peu plus, par bribes, sur la situation politique à laquelle la catastrophe a donné lieu. Évidemment, cette situation influence les relations sociales des personnages – tout comme les conditions de vie matérielles. Ceci paraît une base de tout récit post-apocalyptique pas trop mal ficelé ; mais le moins que l’on puisse dire est qu’en la matière, le regard porté sur le sujet par cet album est plutôt pertinent – d’autant que là encore, Jean-Christophe Chauzy se garde d’asséner la moindre leçon.
Et puis tout à coup, alors que ça commence à ronronner, la colonie disparaît. Une escarmouche nocturne, avec plus de survivants que de morts et plus de prisonniers que de blessés. À vous je ne sais pas, mais ça me paraît beaucoup plus crédible, en contexte, qu’un assaut de cinquante pages, avec combats épiques et triple retournement de situation – qui a dit Walking Dead ?… De manière générale il me semble que la série le Reste du monde a pour elle le réalisme – qui ne rime pas avec ennui. (Dans le même ordre d’idées, les bandes de pillards rencontrées ressemblent moins à des armées, même sommaires, qu’aux chauffeurs et autres bandits de grand chemin du XVIIIe siècle.)
Quel est alors le problème avec les Frontières ? Le trait et les couleurs sont toujours aussi réussis, en particulier quand il s’agit de paysages. Mais ce troisième album abonde en plans serrés, et la façon dont l’auteur dessine les corps, notamment les visages, ne me plaît pas – rien de moral ni d’idéologique là-dedans, c’est juste qu’esthétiquement, quelque chose n’accroche pas.
Il me semble aussi que les deux volumes précédents étaient plus décousus, c’est-à-dire que l’intrigue s’y présentait sous forme de haillons – le seul principe organisateur étant celui de tout récit post-apocalyptique : n’importe quoi peut se produire n’importe quand. Or, à deux reprises, le scénario des Frontières cherche à raccommoder les lambeaux, d’autant plus regrettablement que la deuxième fois, c’est de façon très artificielle – on n’y croit pas plus qu’aux fantômes.

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le 21 nov. 2019

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