S'il fallait encore présenter Jiro Taniguchi, on le qualifierai facilement de "mangaka pour ceux qui n'aiment pas les mangas". Byebye les shonen à base de méga coups de poing et de têtes bizarres. À l'image de son ouvrage le plus connu Quartier lointain, les mangas de Taniguchi sont bien plus poétiques, bien lents, avec un dessin qui se veut plus épuré (dans ses personnages), et plus réalistes. Alors, quand le musée du Louvre lui commande une BD (une collaboration entre l'institution et l'éditeur Futurapolis, au sein d'une collection comptant une quinzaine de livres), c'est pour Taniguchi une occasion en or : lui qui se dit passionné d'art !
Un des pièges à représenter le Louvre en BD est de succomber à "l'effet carte postale". Ce que je veux dire, c'est qu'il y a le risque de vouloir montrer plein de tableaux, mais de trop rester à la surface des choses : certes c'est beau, mais on passe vite à autre chose. Et c'est dans ce piège que tombe pleinement Les Gardiens du Louvre. À travers une intrigue un peu fade (il n'y a pas vraiment d'histoire, les parties n'ont rien à faire ensemble...), on nous montre rapidement 2-3 trucs (La Victoire de Samothrace, les peintures de Corot... et on passe à autre chose). Autrement dit, l'histoire est rapidement évacuée, mais les œuvres sont également rapidement évacuées. Et on ressort avec le triste sentiment de n'avoir rien lu... Pour un soit-disant passionné d'art, on regrette qu'il ne nous informe pas davantage dessus.
S'il fallait comparer cette BD avec quelque chose qui n'a rien à voir, ce serait le diptyque Revoir Paris avec François Schuiten et Benoit Peeters. Ils racontent Paris en 2156, et donc présente les monuments connus de tous, mais ils ont une histoire, et s'inscrivent dans un univers. Ce qui fonctionne chez les franco-belges et pas avec ce manga, c'est que Taniguchi se limite à "regarde ce tableau. Il est beau."
Oeuvre quelque peu superficielle, Les Gardiens du Louvre ne fait qu'effleurer son sujet. S'il se lit d'une traite, c'est qu'il n'a pas grand chose à se mettre sous la dent. En reste heureusement la qualité du dessin, toujours d'une beauté onirique et légère.