"Les Indes Fourbes" a été, forcément, l’événement BD de l'année 2019. L'alliance de deux maîtres du 9ème Art, un grand scénariste à la prose élégante - Ayroles - et un immense dessinateur - Guarnido - nous offrant 150 pages d'une histoire étonnante, qui prend les apparences d'un récit picaresque des plus classiques, avant de révéler ses pièges, et donc sa contemporanéité totale, puisque cette manière de jouer avec une fiction qui a au moins deux niveaux pour dérouler une arnaque parfaite correspond complètement aux codes du thriller actuel. Ajoutons une finition splendide de l'ouvrage, nécessaire pour magnifier pleinement le trait et les couleurs merveilleuses de Guarnido, et donc, logiquement, un prix qui dépasse largement ce qu'on a envie de payer pour une BD en notre époque difficile !
Comme il est indéniable que l'on referme cet ouvrage littéralement exceptionnel avec un vrai contentement, les deux dernières parties étant parfaitement réjouissantes, on a sans doute tendance à un peu "surévaluer" "les Indes Fourbes". Et il faut se souvenir que l'on s'est quand même un peu ennuyé durant une bonne première moitié de sa lecture : personnellement, il m'a fallu reprendre le livre une bonne demi-douzaine de fois, tant "les Indes Fourbes* ne tombait littéralement des mains... C'est que, bien sûr, pour que fonctionne le piège que tend Ayroles à son lecteur, il faut que cette interminable, cette pesante première partie respecte absolument les codes du genre, qui garantira par contraste une surprise d'autant plus grande.
Bref, on est admiratif devant le tour de force, mais on aurait peut-être finalement préféré un récit plus simple, moins strictement caricatural, et surtout dégageant plus d'empathie envers ses personnages, qui ne sont finalement ici que pures fonctions dans un mécanisme sophistiqué.
"Les Indes Fourbes", c'est un très beau livre, mais finalement sans doute aussi un livre un peu trop malin pour son propre bien.
[Critique écrite en 2019]