Lorsqu’on m’a dit « sortie chez 619 », mon visage s’est éclairé. Lorsque j’ai lu « Mad Max au féminin », j’ai décidé d’aller sur-le-champ me dégotter une copie des Lames d’Ashura, le nouveau One-shot de Baptiste Pagani, le talentueux auteur de The Golden Path.
On est dans une certaine continuité avec l’œuvre précédente, le style est expressif, le corps mis en avant et les personnages bien caractérisés. L’histoire raconte la succession difficile d’un clan de bandit exclusivement féminin à une exception près, dans une époque patchwork entre les XVIII et XIXe siècles. Elle se concentre sur le trio de tête du clan des Lames D’Ashura : la turbulente guerrière Icari, l’austère combattante Shota et le beau danseur Osman.
Le conflit principal aura lieu entre Icari et Shota après que cette dernière ne trahisse le clan lors du raid qui devait être le dernier coup d’éclat d'Ashura, leur mère adoptive et cheffe de clan. Le reste de l’histoire racontera les errements d’Icari à la tête du clan en quête de vengeance que tentera de modérer Osman.
Le worldbuilding, simple et original, présente une région au style oriental secoué par l’arrivée de la modernité et la chute des religions et de leurs valeurs. L’histoire est surtout servie par un parti-pris tranché d’inversion des valeurs genrées dans un monde qui n’est pas totalement sous le coup de cette inversion. On y voit des femmes guerrières emportées et des hommes doux tournés vers les arts sans que les stéréotypes de genres connus dans notre monde ne soient totalement absents non plus. L’histoire se concentre seulement sur des communautés aux valeurs contraires dont la cohabitation n’est pas simple pour autant. Elle présente, de fait, une originalité de traitements des rapports entre hommes et femmes qui s’avère assez libératrice : chacun peut être ce qu’il ou elle veux et cela n’empêche ni de se retrouver, ni d'être soi-même.
Le style graphique est moins anatomique que pour The golden path, les corps et les visages sont bien plus déformés par les mouvements, les coups, les émotions et le caractère des personnages. Le style est très coloré et expressif, avec une colorisation plus soignée. Le tout semble marquer une évolution du style de l’auteur vers plus d’abstraction et de soin, à moins que ce ne soit qu’une recherche. Les prochaines œuvres nous le diront.
Seul vrai point négatif à cette belle œuvre : la présence d’un narrateur extra-diégétique présentant les durées, les actions longues et parfois même les émotions des personnages, là ou des signes visuels ou des dialogues auraient mieux conservé l’immersion et l’attachement aux personnages.
On ne le dit jamais assez : Show. Don’t tell.
En résumé : Un one-shot bien sympathique, jalon de l’œuvre d’un auteur talentueux et intéressant dont on attend les prochaines œuvres.