L'évolution des aventures d'Ardent est intéressante et prend un tour plus adulte si on peut dire ; en effet, il est toujours aussi bravache et frondeur, refusant la discipline bête, aussi se heurte-t-il au maître d'armes Golo qui n'est qu'un vieil entêté plein d'orgueil, et là, Ardent subit une humiliation, encore une après celle subie de la part de l'écuyer Bradroc dans le Prince Noir, dont ce récit est la suite. Mais sa revanche va être éclatante, il va véritablement devenir un homme et mûrir en quittant sa défroque de damoiseau impétueux en s'acquittant d'une mission confiée par le roi Arthus.
En droit féodal, une mission de cette importance ne serait jamais confiée à un sujet aussi jeune et fougueux, qui plus est écuyer d'une princesse, mais à un chevalier expérimenté. Aussi, c'est à Gaudin qu'aurait dû échoir cette mission qui est de mâter des vassaux turbulents dans cette lointaine province de Rougecogne, mais sans cet artifice de la part de Craenhals, il n'y aurait pas d'histoire, la BD doit parfois contourner les réalités, ça permet en tout cas d'asseoir l'autorité d'Ardent qui va se durcir et affermir sa personnalité, tout en devenant plus sage et aguerri, car ce qu'il accomplit face aux 3 Loups de Rougecogne, il le fait avec loyauté et respect pour ses adversaires, au contraire des hobereaux Urms et Bède qui agissent par traîtrise, croyant satisfaire sa vanité. En 2 albums, Ardent est donc passé de simple nobliau des campagnes à baron d'un grand fief ardennais, et il va dans les autres albums, devenir à chaque fois plus fort et grimper dans l'échelle sociale.
Cet épisode est fort bien maîtrisé par Craenhals qui réussit encore de belles images en développant des personnages bien typés avec notamment les 3 "Loups" Odon, Abdon et Gordon, dans une belle scène page 27 lors de la rencontre entre Ardent et les 3 frères farouches. L'ensemble de l'album est une belle vision d'un Moyen Age plein de grandes vertus ; Craenhals affermit le caractère de son héros et développe lentement son histoire, en posant doucement les pions de ce qui va devenir une grande série médiévale. Parvenir à hisser à ce niveau de qualité une série de ce type dans les années 60 où tout était formaté par de vieilles traditions livresques, est digne d'être salué. C'est une des raisons qui fait que cet album est un des meilleurs de la série, et un de mes préférés. Couverture (d'origine) superbe.