Je ne connaissais pas Davodeau avant qu'une collègue me parle avec des étoiles dans les yeux des ignorants et du bd-reportage. J'avoue que c'est un genre qui ne m'a jamais vraiment attiré. J'ai essayé les Ignorants mais je ne suis pas parvenu à le terminer, lassé par la lenteur du propos. Non résignée, elle m'a offert pour le noël d'équipe les Mauvaises Gens. L'épaisseur de l'ouvrage m'a paru plus digeste, et enclin à faire honneur au cadeau qui m'était fait, je me suis acquitté de sa lecture.
Loin d'être déplaisant à lire, plusieurs aspects m'ont néanmoins chiffonné.
D'abord, je n'accroche pas au dessin. Je n'ai pas forcément besoin de quelque chose de très sophistiqué, mais je trouve qu'il manque cruellement d'expressivité, à tel point que j'ai parfois eu un peu de mal à reconnaître certains personnages. J'ai presque eu l'impression que finalement, il y avait cette intention de la part de Davodeau de ne pas détourner le lecteur du propos. Mais alors, pourquoi vouloir illustrer son propos ?
Parlons du propos. Il a ceci d'original et de louable qu'il se concentre sur la réalité sociale et économique d'une petite zone géographique méconnue. Mais malheureusement, je trouve qu'il peine à lui conférer l'intérêt dramaturgique qu'on attend. Je n'ai malheureusement pas éprouvé une quelconque forme d'empathie pour les personnages qui nous sont dépeints. Je conçois que ce ne soit pas forcément l'objectif de tout récit, mais pour ma part, en tant que lecteur, j'ai vraiment eu du mal à m'en passer. Est-ce à dire que c'est le lot du bd-reportage que de se cantonner à la seule objectivité des faits ? En ce cas, je ne vois pas l'intérêt, encore une fois, de le mettre en images.
Et finalement, j'ai ce sentiment désagréable et peut-être injustifié qu'il y a une forme de suffisance un peu mal placée dans cette manière de traiter l'histoire graphiquement et narrativement. D'ailleurs, les quelques prises de positions de Davodeau, notamment sur l'église et le patronat, manquent souvent de profondeur à mon goût. Je regrette par exemple, qu'il n'ait pas cherché à retrouver un des patrons d'usines de l'époque. Il y a ce passage aussi très intéressant avec la contre-manifestation des salariés qui "défendent" les positions de leur dirigeants, mais le parti-pris de ne pas les nommer ou de ne pas être allé les retrouver me semble bancal là encore. Il eût été intéressant d'avoir leur regard a posteriori sur cette époque et sur leurs actes, assimilés de manière un peu simpliste à des erreurs par l'auteur.
Et j'avoue avoir été aussi très déçu par cette fin car j'aurais aimé sentir le souffle lyrique qui encadre son traitement graphique.
Le visage de Mitterrand apparaissant au fur et à mesure, entrecoupé par ceux de ces personnes dont la fébrilité devrait être palpable, n'a eu aucun effet me concernant. Car rien dans le récit n'a amené ce passage comme l'aboutissement d'un processus de longue haleine. La volonté de l'effet voulu par Davodeau est là, pas l'effet, malheureusement pour lui.
En résumé, c'est plutôt une déception, le sentiment d'un opus un peu terne et sans réelle saveur. Pour moi, militantisme rime, dans une juste mesure, avec passion. Dans cet album, Davodeau laisse entrevoir une sorte de militantisme un peu fataliste. Dommage... J'espère trouver plus de motifs de satisfactions dans d'autres albums.