Les Naufragés de la Méduse par Christine Deschamps

En écho à la très bonne BD que j'avais lue il y a quelques années sur les esclaves oubliés de l'île de Tromelin, voici la relation du naufrage de la frégate immortalisée par le tableau Le radeau de la Méduse. Les deux histoires se ressemblent un peu en ce qu'elles fouillent les ressources cachées des survivants d'une catastrophe nautique. Et mettent au jour résilience ou monstruosité chez l'être humain, dans des circonstances extraordinaires. Avec, en parallèle, des histoires postérieures; celles d'individus qui se sont passionnés pour ces aventures tragiques. Dans un cas, une équipe d'archéologues, dans l'autre, le peintre Géricault. La similitude s'arrête là. Ici, Géricault, à force de fouiller dans cette histoire, va en déterrer les détails les plus sordides. Il y contemplera les abîmes d'abjection dans lesquels ses contemporains sont capables de se vautrer, et cela va lui permettre de faire le grand ménage de printemps dans sa propre vie. L'expiation n'est jamais chose simple.


Surtout quand on mélange coucheries et famille, mais je ne peux guère m'étendre là-dessous sous peine de gâcher le suspense.


Reste une réflexion intéressante sur le péché, dont l'origine est souvent difficile à déterminer : peur, mesquinerie, sauvagerie, égoïsme, simple indifférence, où se situe la racine du mal ? Même les survivants du naufrage ont du mal à comprendre à posteriori ce qui les a vraiment poussés à renier leur humanité. Pour ma part, j'ai un peu l'impression que la question est mal posée et que, justement, à aucun moment ces hommes-là ne se sont éloignés de la nature véritable de leur personnalité. L'épreuve (la faim, la peur) ne les a pas poussés à se transcender, au contraire : ils y ont vu une bonne excuse pour céder à leurs passions les plus intimes. L'un aura failli par vanité, l'autre par suffisance, la troupe par méfiance, et ce sont là leurs crimes les plus graves, parce qu'ils sous-tendent l'intégralité de leurs actions. Les extrémités auxquelles ils sont arrivés ensuite n'en sont qu'une illustration un peu outrée. Mais c'est elle qui a frappé les esprits de l'époque et que Géricault a représentée dans sa vaste toile. Au bout du compte, c'est ce que je retiendrai de cette histoire; ça et quelques centimètres carrés douteux, au niveau de la technique de l'aquarelle... mais le dessin est solide, heureusement.

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le 11 oct. 2020

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