Le tome le plus éprouvant de l'histoire peu ordinaire de Madeleine Riffaud, passée déjà par bien des épreuves lors des deux premiers opus. Cette fois, elle a franchi le Rubicon et tué. Est-ce pour cela qu'elle doit faire face à la sauvagerie du camp adverse ? En tout cas, moi, qui n'ai tué personne à ce jour, j'ai dû malgré tout subir le spectacle de l'avilissement de ses bourreaux, qui ne reculaient devant rien pour creuser avec les dents la tombe de leur dignité. Tout y passe, mais la démonstration de l'inhumanité humaine n'est-elle pas faite depuis longtemps ? Je vous laisse le plaisir de découvrir les abysses de cruauté de nos semblables quand on leur laisse la bride sur le cou. Vivement que notre propre petit sadique national de n'importe quelle obédience laisse les coudées franches aux revanchards pusillanimes qui attendent leur heure, tiens... En tout cas, c'est l'une des grandes leçons de l'histoire édifiante de Madeleine la résistante : mieux vaudrait empêcher de suite la ronce de prendre trop fermement racine dans le cœur de l'homme, parce qu'une fois qu'elle y prospère, on ne peut pas empêcher le massacre. Mais bon, on l'a vu arriver maintes et maintes fois, on pourrait penser que le message est éculé... Bref. Hormis cet avertissement fracassant, cette trilogie magistralement menée pose également une question fondamentale : pourquoi ce petit bout de bonne femme de même pas deux décennies était-elle de la trempe des héros quand rien ne la prédestinait vraiment à affronter l'ignominie et, surtout, à ne pas la laisser la détruire ? Qu'est-ce qui distingue les héros du commun des mortels ? Comment un esprit peut-il résister à la folie quand on le précipite dans des gouffres aussi obscurs, en ricanant bêtement, avec une belle désinvolture ou un véritable acharnement à nuire ? Rien dans cette histoire ne répond à cette sidérante interrogation. La poésie, une forme de foi, une toute banale envie de vivre ? Chacun pourra à l'envi sonder ses propres tripes et répondre à la question de Goldman dans Né en 17 à Leidenstadt... Pour ma part, je me contenterai de former des vœux pour qu'un jour nous ayons collectivement la sagesse de ne plus aimer détruire ce que nous n'approuvons pas. C'est une étape de la maturation d'une âme qu'on peut observer chez n'importe quel enfant et que pas mal loupent joyeusement. Arrêtons déjà de les récompenser en achetant leurs produits ou en votant pour eux... A défaut de résister à la torture, ça, au moins, ce doit être accessible.