« Les Nuits de Saturne », c’est d’abord l’histoire d’un désir de vengeance. Après de longues années de taule, Clovis n’a qu’une seule idée en tête en retrouvant l’air libre: tuer son ancien comparse Faber, qui l’a trahi 15 ans plus tôt. A l’époque, les deux hommes faisaient partie d’une équipe secrète dirigée par un certain Charles. Leur mission était de faire quitter le territoire français à l’une des têtes pensantes des Brigades rouges, au nez et à la barbe de la police. Mais l’opération a mal tourné. Deux des membres de l’équipe sont morts (dont la petite amie de Clovis), le terroriste italien a été abattu et au final, seul Clovis s’est retrouvé en prison, Faber s’étant volatilisé dans la nature. Du coup, ça fait 15 ans que Milan Klovisevitch, dit Clovis, prépare sa vengeance. Dès sa sortie, il se rend directement chez Charles à Grenoble. Ca tombe bien: celui-ci ne se fait pas beaucoup prier pour lui remettre une voiture, une arme et la nouvelle adresse de Faber, reconverti en patron de discothèque du côté de Strasbourg. Mais comme toujours dans les polars, un grain de sable va venir perturber la mécanique. Ce grain de sable, c’est Césaria, une des serveuses du club « Le Vendôme ». Serveuse ou plutôt serveur… « T’es pas une gonzesse, c’est ça? », lui demande Clovis, avant de l’envoyer balader. Et pourtant, il va revenir la chercher. Désormais, Césaria obsède Clovis le ténébreux. Malgré sa soif de vengeance, une passion presque inexplicable va naître entre ces deux êtres marginaux. L’amour sera-t-il plus fort que la haine?
Avec « Les Nuits de Saturne », les amateurs de polar et de série noire vont se régaler! Tous ceux qui aiment les livres de Jean-Patrick Manchette et les autres auteurs du néo-polar français des années 70 vont forcément être séduits par cette adaptation graphique particulièrement réussie du roman « Carnage, constellation » de Marcus Malte. Car « Les Nuits de Saturne » contient tous les ingrédients du genre: personnages désabusés, désir de vengeance, décor de banlieue un peu glauque… Comme dans tout bon polar, c’est tout autant l’ambiance que l’histoire qui compte. Et à ce niveau-là, on peut dire que Pierre-Henry Gomont s’en sort admirablement. Grâce à une utilisation habile de la couleur, mais aussi des jeux d’ombres et de lumières et des flous artistiques, il parvient à installer un véritable univers. Son dessin est tout en délicatesse et en légèreté, et fait preuve d’une grande sensibilité. Mais ça, ce n’est pas neuf: on savait déjà que Pierre-Henry Gomont est un très bon dessinateur, lui qui a été récompensé l’an dernier par le Prix SNCF du polar pour sa BD « Rouge Karma », dont le scénario était signé par Eddy Simon. On découvre, par contre, que Pierre-Henry Gomont est également un excellent scénariste lui-même. Alors qu’il est loin d’être facile d’adapter efficacement un roman en BD, il a su trouver le bon rythme et le bon découpage pour composer un polar qui se révèle au final à la fois classique et très original. Une des toutes bonnes surprises de cette rentrée.
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