Voici une Bd qui sort de l'ordinaire, entre la tranche de vie intimiste et le fantastique léger et qui nous amène aux frontières du tangible.
C'est en supportant une étrange plante artificielle que Max retrouve sa copine à leur appartement ce jour-là, mais malgré leur quatre ans de vie commune, ladite copine a complètement oublié qu'elle était en couple avec lui, ce qui explique pourquoi Max tombe sur elle et un autre homme en pleins préliminaires. D'aussi loin qu'il s'en souvienne, Max vit comme un homme presque invisible: on en remarque pas sa présence, on ne l'entend pratiquement pas et on réalise vaguement son existence. Pour un peu, Max est un "fantôme".
Léonie dite 'Léo" souffre de névroses et a des tendances psychorigides. Cette jolie rouquine croit habiter avec des esprits aussi malveillants que hideux. En dehors de son appart, elle a cependant une vie sociale évanouie et cuisine avec passion.
Max déménage avec l'un des voisins de Léo, mais comme tous les autres, celui-c fini par oublier qu'il a un coloc. C'est dans cet immeuble que Max fait la rencontre de Léo. Devenu si désespérément intangible, Max profite de son côté "en parallèle" pour aller vivre avec Léo et partagera ainsi son quotidien. Ce qui relève au début de simple observation se changera ensuite en rôle plus actif de sa part. Et plus il apprend à la connaitre, plus ses sentiments sont appelés à évoluer.
Dans cette Bd, "les petites distances" sont justement tous ces petits gestes, mots et sensations physiques qui sont "entre deux". Léo, sans ouvertement dire que Max vit chez elle, donne cependant plusieurs indices qui portent à croire que Max n'est pas totalement intangible. Quand il blague, elle rit. Quand il joue de son ukulélé, cela lui donne l'envie de s'y adonner aussi. Ce genre de petites choses.
C'est l'histoire d'un immense assemblage de petits riens, qui ponctuent le quotidien, parfois entrelacés de petits drames, de grandes questions, de sentiments sans noms. Tout cela me semble même un peu poétique. Mais bien sur, avant tout , c'est une histoire d'amour attendrissante. Max peut sembler parfois profiter de la situation, mais en même temps, personne ne le voit et personne ne l'entends. On se demande même s'il n'est pas réellement mort ou comateux quelque part dans un hôpital, à la manière du film "Mon fantôme d'amour" ou "Et si c'était vrai?.
J'ai beaucoup aimé le personnage de Max, un grand sensible qui fini par gagner en confiance au contact de Léo. C'est un homme gentil, doux et clairement bienveillant. À certains égard, le personnage qu'il incarne me fait penser à Benjamin Button, le genre de personnage en décalage des autres, auréolé d'une magie que personne ne comprend ( pas même nous, le lecteur/la lectrice). "Être partiellement perceptible", c'est comme cela que je décrirais son état. Une chose est sure, c'est original!
Le dessin est très joli, avec des lignes douces, un petit côté "crayon de bois" et j'ai aimé la manière dont la couleur verte ressortait plus vivement que les autres, dans un décor à la palette de roses, surtout au début. Cette manière de jouer avec une couleur principale sur un fond de nuances plus ternes, c'est une belle manière de capter l’œil.
Et les titres sont très intéressants: "Le parfum imaginaire des fleurs artificielles", soit le premier chapitre, ou "À la croisée des ondes", le second chapitre. Il y en a quatre en tout.
J'ai eu un peu de difficulté avec la fin, qui m'a semblé sortir de nul part, mais ça n'empêche pas le tout d'être très bien. Beaucoup de scènes de sexe aussi ponctue l'histoire.
Finalement, je salue la variété des thèmes en présence, ainsi que la variété des couleurs, des ethnies et des orientations sexuelles. Il s'agit de ce genre de Bd qui laissera son emprunte sur nos esprit, très certainement, ne serait-ce que par son originalité et sa tendresse.