La lune est Rouge ce soir, c'est mauvais signe pour la Terre...

Premier album de la prolifique série d'uchronie Jour J, celui ci fait déraper légèrement l'Histoire à un instant clef du XXème siècle et de l'Humanité, puisque le hasard galactique matérialisé par une micro-météorite fait capoter la mission Apollo 11, sonnant le programme spatial américain juste le temps que les Soviétiques parviennent à envoyer en premier des hommes sur la Lune, en septembre/octobre 1969...

Ca c'est du gros "what if" capable de bouleverser l'histoire et de générer un scénario grandiose et épais ! Car les Soviétiques, moins gâtés par la technique et dans leur chasse aux scientifiques allemands que les Américains (on ne met pas la main tous les jours sur un Werner Von Braun !), ont pourtant su, grâce à une volonté plus forte et en l'absence de précautions américaines, gagner les premiers rounds de la conquête de l'espace, et pas des moindres: Spoutnik en 1957, Gagarine en 1961, etc... C'est Apollo 11 qui marquera le coup d'arrêt de la domination soviétique dans l'espace, donnera la gloire mondiale au Américains, c'est Armstrong et Aldrin qui feront rêver les peuples de toutes les nations, et après cet alunissage de juillet 69, plus jamais la conquête de l'espace ne sera vraiment comme avant. Apollo 11, c'est la victoire par K.O, celle qui comptait le plus.

Si les Soviétiques avaient été les premiers à alunir, et ils auraient pu y arriver, tout aurait été différent. La gloire aurait rejaillie sur le Bolchévisme, comme les gains scientifiques, et les cocos auraient poursuivis leurs efforts pour assoir leur domination spatiale, technologique, militaire, stratégique, idéologique, politique... Ca, on le retrouve dans ce premier tome de Jour J, avec une URSS qui s'appuie sur sa technologie spatiale pour menacer et faire tourner en bourrique les USA, via notamment un passage en Afghanistan (mais... pour quoi faire ? Juste montrer que la CIA enrage car les Russes traquent ses agents via satellite ?). On imagine bien aussi que les USA n'auraient pas baissé les bras suite à cette défaite, fort de leur richesse économique, du manque de bol de l'échec de leur premier allunissage, de leur patriotisme exacerbé et de l'importance de l'Espace dans leur stratégie...

Donc, imaginer que 10 ans après ce revirement historique, les deux superpuissance continuent la course à l'espace par l'installation de deux bases scientifiques permanentes sur la Lune, c'est possible, et le mix anticipation/uchronie/science pas si fiction est très plaisant. Si aujourd'hui il n'existe pas de base sur la Lune, c'est juste parce que le succès d'Apollo a mis fin à la course à l'espace. Au contraire, il est bien possible qu'un échec d'Apollo aurait pu stimuler les deux empires, au coude à coude, à continuer à se courir l'un après l'autre. Là ou la BD part un peu en vrille, c'est au niveau de l'ambiance qui règne sur ces deux bases spatiales... alambic à vodka chez les russes, jardin de beuh chez les ricains', et bringues communes ponctuées de troc intersidéral chaque soir pour la trentaine de colocataires lunaires... là on bascule dans l'improbable ! Et la BD va se focaliser sur cette ambiance de fête et de glande sur la Lune, oublier en quoi un premier alunissage soviétique aurait pu changer la face du monde... Très rapidement, ce jour J oublie la grande histoire pour se focaliser sur une petite histoire. Cette dernière n'en est pas moins plaisante...

Car au milieu de cette ambiance vodka, herbe, peace, love et flower power, une paire de personnages n'a pas oublié que sur Terre, c'est toujours la guerre froide... On découvre une base soviétique hantée par la malédiction des commissaires politiques spatiaux, excellente idée qui aurait bien pu se matérialiser... envoyer un fanatique staliniste, ou du moins brenjnevien dans l'espace, militarisant la Lune par l'introduction d'un revolver Tokarev chargé, voilà un concept qui glace le sang ! Et son alter-égo Américain, militariste, anto-communiste et belliqueux, est encore plus fort de café ! Lui, quand il va découvrir que là haut, c'est la fête du slip avec les Rouges, il va piquer un coup de sang monumental accouchant des cases les plus marquantes de cet épisode ! Car Jour J est une série violente, cynique, impitoyable, et la petite guerre qui va s'inviter sur la Lune fait naitre un véritable suspens... Tous les astro et cosmonautes vont ils y passer, s'entretuer d'eux même, se faire vaporiser par des missiles venus de la terre ? L'accrochage anecdotique mais symbolique sur le champ de bataille le plus prestigieux de la planète peut il déraper sur la troisième guerre mondiale au sol ? Quand Brejnev appelle Carter par le téléphone rouge pour l'insulter et lui promettre la mort, connaissant les folies scénaristiques sans concession de la série, on se dit que oui, les auteurs sont prêt à nous faire le coup de l'holocauste atomique !

Les sacrifices de personnages, cases chocs et l'évolution de cette crise marquent le lecteur et marquent des points, l'épilogue est un peu raide, avec une alter-chute du mur de Berlin un peu expédiée, une conversation entre un jeune et svelte (mais quand même alcolo) Boris Elstine et un mystérieux interlocuteur (qui a des airs de Vladimir Poutine, mais... son nom n'est pas cité directement, alors j'hésite à penser totalement qu'il s'agit de lui), ainsi qu'une vie cachée mais heureuse de trois hommes que l'humanité imaginent disparus à tous jamais, érigés comme symboles de l'imbécilité de la guerre froide.

Les plus:
Une date clef de l'histoire contemporaine revisitée
Le dessin est correct, bien qu'un peu statique à l'occasion
Les deux va t'en guerre de la Lune dynamitent le scénario
Quelques cases qui font froid dans le dos
Vrais suspens sur le sort des personnages, et même de l'humanité, arrivé au climax de la crise.

Les moins:
Le port'nawak des bringues lunaires, échappant totalement aux deux gouvernement
Les portées immenses qu'auraient eut un alunissage soviétique sont fortement oubliées par le scénario
Finalement, c'est encore l'URSS qui perds, en s'écroulant 10 ans plus tôt qu'en vrais alors qu'elle parait plus forte...
Dauntless
7
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le 21 sept. 2013

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