Par commodité, pour le moment, cette critique porte sur l'ensemble de la série Dark Avengers (en incluant l'annual et en excluant la mini-série Ares, que je traiterai dans une critique dédiée). Ayant lu la série en vo sur Marvel Unlimited, il me parait peu naturel de découper arbitrairement mon évaluation entre les différents tomes de la vf.
Je ne savais pas exactement à quoi m'attendre en lisant Dark Avengers. J'ai déjà lu la plupart des grosses séries de l'époque, et je connaissais donc en substance le contenu de cette série. Je crois que je m'attendais à voir un Norman Osborn en super-parrain mafieux, gérant son équipe comme on gère une mafia. Et si cet élément est certes distinctement présent dans Dark Avengers, j'ai découvert avec surprise et ravissement qu'il s'y trouvait plus encore que ça.
La Secret Invasion des Skrulls a échoué, les héros de la Terre ont repoussé les envahisseurs et restauré la paix sur la planète. Suite à la disgrâce de Tony Stark, directeur du SHIELD, la place de super-protecteur du monde libre est vacante... et qui mieux que celui qui a vaincu la reine Skrull pour occuper ce rôle ? C'est ainsi que Norman Osborn, super-vilain repenti, chef des Thunderbolts, se voit soudainement propulsé au titre d'homme le plus puissant du monde. Du jour au lendemain, il démantèle le SHIELD pour le remplacer par HAMMER, une milice triée sur le volet composés d'hommes fidèles et zélés. Mais il lui manque des Avengers, et il réunit une équipe aussi puissante que catastrophique, aussi malveillante qu'intéressée à lui obéir : de ses Thunderbolts, il ira chercher Bullseye, reprenant l'identité de Hawkeye, et Moonstone sous l'alias de Ms Marvel; des anciens Avengers, il conservera ceux qui sont prêts à le suivre (et qui ne connaissent pas la vraie nature d'Osborn), Arès et Sentry; enfin, pour compléter son équipe, il rajoutera Noh-Varr, le Marvel Boy de Grant Morrison, Kree prisonnier des Terriens convaincu que sa destinée est de servir la Terre en devenant le nouveau Captain Marvel, et l'actuel Venom, qui de loin dans le noir les yeux mi-clos parvient plus ou moins à passer pour Spider-Man l'espace d'une demi-seconde. Quant à Osborn lui-même, mettant la main sur l'arsenal privé de Tony Stark, il se fera désormais connaitre comme Iron Patriot, chef des Avengers. Comment une équipe de faux Avengers, composée de criminels, de prisonniers de guerre et de fous, peut-elle espérer être à la hauteur des défis qui l'attendent ? Mais surtout, comment Osborn parviendra-t-il à faire quelque chose (ou non) de ce désastre en puissance ?
Idée géniale s'il en est, Dark Avengers est l'enfant chéri de Bendis le temps que la série dure (16 épisodes, un annual et une mini-série dérivée pour le volume 1). D'une façon qui pourrait surprendre de l'extérieur, la série se hisse bien vite au stade de série phare Marvel, pulvérisant le reste des ventes de l'éditeur. Pourquoi les aventures de Norman Osborn, "Jew fro-wearing Norman Osborn", des mots mêmes de Bendis, ont-elles fasciné tant que ça ? Tout simplement parce que c'est une belle série.
Un récit qui montre des personnages bourrés de contradictions et qui, pour certains d'entre eux, sont convaincus d'oeuvrer réellement pour le bien (y compris Norman lui-même), tout en étant contraints de collaborer avec de purs psychopathes. Le "monde à l'envers" orchestré par Bendis est en fait extrêmement crédible, et vient lui-même mettre en évidence les contradictions de notre propre monde. Parce qu'on le sait, les puissances qui régissent notre monde tiennent moins du SHIELD idéalisé qui a longtemps régi l'univers Marvel que du HAMMER autoritaire et au moins partiellement corrompu d'Osborn. Parce qu'Osborn lui-même est un personnage riche et intéressant, ancien repris de justice partagé entre son patriotisme sincère mais fascisant, son opportunisme d'homme d'affaire malhonnête prêt à faire son lit avec les pires malfrats de l'univers, son ego surdimensionné qui le pousse à mettre à terre tout ce qui n'a pas son visage gravé en effigie et la folie du Green Goblin qui le ronge encore et toujours. Cette étonnante humanité de l'Osborn de Bendis en fait un personnage fascinant, qu'on en vient à admirer pour son courage lorsqu'il se lance dans des missions suicide de réel Avenger en sachant pertinemment qu'il n'a pas l'étoffe des héros et pour son audace de vouloir faire de Sentry son allié alors que Bob Reynolds sombre plus que jamais dans la folie. Cette relation chaotique entre les deux hommes est d'ailleurs l'un des gros points forts de la série. Un Norman Osborn dont on est presque triste de savoir qu'il finira irrémédiablement stoppé avant d'avoir pu régler ses conflits internes afin de devenir le héros le plus sincère (à défaut d'être celui dont l'univers Marvel a réellement besoin) qui existe.
J'avoue éprouver beaucoup d'admiration pour le tour de force de Bendis, qui a réussi à faire du Green Goblin un héros ridiculement charismatique et crédible.