« Il ne faut pas chercher, dans cette première œuvre conjointe et achevée de Jodorowsky et Mœbius, le même foisonnement virevoltant que dans l’Incal. Ni même des personnages détaillés, ni même une intrigue fouillée : les Yeux du chat sont une bande dessinée au même titre, par exemple, que la Jetée de Chris Marker est un film – d’ailleurs, même brièveté, même noir et blanc, même singularité dans la structure, même voix laconique venue de quelque part. Page de gauche, en plan fixe et de dos, une silhouette se découpe à contre-jour dans l’embrasure d’une fenêtre ; page de droite, muette, l’action proprement dite – ou ce qui en tient lieu – naît du trait futuriste de Mœbius.
Rien qu’un enfant, un aigle et un chat dans cette fable d’anticipation cruelle, macabre et ambiguë, qui laisse toute sa place au non-dit et au non-montré. »
Ça, c’est ce que j’écrivais après ma première lecture ; je ne vois rien à redire.
Un peu plus de trois ans après, alors que je me souvenais des trois personnages mais que j’avais oublié le scénario précis, j’ai relu les Yeux du chat. Normalement, je n’oublierai plus ces deux dernières phrases, ces deux dernières doubles pages.
Parallèlement, tandis que cet album de Jodorowsky et Mœbius me semble toujours aussi singulier, je me suis dit qu’il y eut une époque, dans les années 1970 et 1980, où la bande dessinée, par excellence, était probablement la forme qui permettait le plus d’audace et le plus d’exigence. (Bien sûr, je ne suis pas spécialiste ; c’est une impression.)
Je ne sais pas où ça a merdé. J’imagine que quelque chose de plus général a merdé. Mais ça a merdé, c’est triste.