« Il ne faut pas chercher, dans cette première œuvre conjointe et achevée de Jodorowsky et Mœbius, le même foisonnement virevoltant que dans l’Incal. Ni même des personnages détaillés, ni même une intrigue fouillée : les Yeux du chat sont une bande dessinée au même titre, par exemple, que la Jetée de Chris Marker est un film – d’ailleurs, même brièveté, même noir et blanc, même singularité dans la structure, même voix laconique venue de quelque part. Page de gauche, en plan fixe et de dos, une silhouette se découpe à contre-jour dans l’embrasure d’une fenêtre ; page de droite, muette, l’action proprement dite – ou ce qui en tient lieu – naît du trait futuriste de Mœbius.
Rien qu’un enfant, un aigle et un chat dans cette fable d’anticipation cruelle, macabre et ambiguë, qui laisse toute sa place au non-dit et au non-montré. »


Ça, c’est ce que j’écrivais après ma première lecture ; je ne vois rien à redire.
Un peu plus de trois ans après, alors que je me souvenais des trois personnages mais que j’avais oublié le scénario précis, j’ai relu les Yeux du chat. Normalement, je n’oublierai plus ces deux dernières phrases, ces deux dernières doubles pages.
Parallèlement, tandis que cet album de Jodorowsky et Mœbius me semble toujours aussi singulier, je me suis dit qu’il y eut une époque, dans les années 1970 et 1980, où la bande dessinée, par excellence, était probablement la forme qui permettait le plus d’audace et le plus d’exigence. (Bien sûr, je ne suis pas spécialiste ; c’est une impression.)
Je ne sais pas où ça a merdé. J’imagine que quelque chose de plus général a merdé. Mais ça a merdé, c’est triste.

Alcofribas
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 13 oct. 2014

Critique lue 717 fois

6 j'aime

Alcofribas

Écrit par

Critique lue 717 fois

6

D'autres avis sur Les Yeux du chat

Les Yeux du chat
Jorge_Regula
8

Critique de Les Yeux du chat par Raphael Laurent

Maitre corbeau assujettit à l'humain, tient dans son bec 2 beaux yeux. L'humain être médisant, en a besoin pour observer ses ruines. Avec effroi, il jette ses prunelles dans les cieux. Rejetant la...

le 1 nov. 2014

6 j'aime

Les Yeux du chat
Alcofribas
9

Contre-jour

« Il ne faut pas chercher, dans cette première œuvre conjointe et achevée de Jodorowsky et Mœbius, le même foisonnement virevoltant que dans l’Incal. Ni même des personnages détaillés, ni même une...

le 13 oct. 2014

6 j'aime

Les Yeux du chat
thobias
7

Une bd particulière

C'est vraiment une bd particulière que j'aurais beaucoup de mal à juger et à noter. Le scénario est minimaliste (surprenant pour du Jodorowsky) mais bien ficelé et le dessin de Moebius est...

le 11 août 2017

3 j'aime

Du même critique

Propaganda
Alcofribas
7

Dans tous les sens

Pratiquant la sociologie du travail sauvage, je distingue boulots de merde et boulots de connard. J’ai tâché de mener ma jeunesse de façon à éviter les uns et les autres. J’applique l’expression...

le 1 oct. 2017

30 j'aime

8

Le Jeune Acteur, tome 1
Alcofribas
7

« Ce Vincent Lacoste »

Pour ceux qui ne se seraient pas encore dit que les films et les albums de Riad Sattouf déclinent une seule et même œuvre sous différentes formes, ce premier volume du Jeune Acteur fait le lien de...

le 12 nov. 2021

21 j'aime

Un roi sans divertissement
Alcofribas
9

Façon de parler

Ce livre a ruiné l’image que je me faisais de son auteur. Sur la foi des gionophiles – voire gionolâtres – que j’avais précédemment rencontrées, je m’attendais à lire une sorte d’ode à la terre de...

le 4 avr. 2018

21 j'aime