Timbré
Y’a des indices qui trompent pas. Se complaire dans la critique manga, de trop avoir poli les contours du genre à force d’avoir profusément craché dessus, ça vous rôde méchamment. C’est plus tant des...
le 5 déc. 2024
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Y’a des indices qui trompent pas. Se complaire dans la critique manga, de trop avoir poli les contours du genre à force d’avoir profusément craché dessus, ça vous rôde méchamment. C’est plus tant des commentaires d’œuvres qu’on commet alors, mais un travail d’enquête. neuf fois sur dix au moins, j’ouvre une première page, et je découvre une scène de crime. L’œil aiguisé, quoi qu’usé, l’expérience en appui, je remonte les pistes. S’il y a des traces ici qu’on a vues ailleurs, alors on sait déjà dans quoi on s’engage ; et jamais du pied gauche.
Lorsqu’une exposition d’un univers nouveau nous est jeté à la gueule violemment, plutôt que déballé avec rigueur et minutie, l’on se doute pertinemment que le suspect – pardon, l’auteur – ne tient sa plume de de deux doigts à peine. Deux doigts gauche. D’où le nom, sans doute, de son protagoniste principal.
Letter Bee, c’est quand même bien trop mal présenté pour qu’on accepte de se lancer dans l’aventure. Voilà que le protagoniste, aussi gauche qu’il est Gauche, nous chronique une encyclopédie locale rien qu’afin de se faire connaître. Il nous donne le nom, sa profession et ne se prive pas de nous décrire cette dernière qui, pourtant, va de soi dans cet univers-ci. Je retranscris afin de sortir des abstractions et vous fait étal de l’état de fait :
« - Agneugneu, je suis un personnage secondaire faible et larmoyant qu’a perdu sa môman. Qui êtes-vous monsieur ;
- Moi ? Je suis Gauche Suede. Au départ, ma mère voulait m’appeler Droite et mon père voulait m’appeler Extrême-Gauche – il avait des locks, comprenez – et, finalement, ils ont trouvé un compromis. Ils sont nés respectivement il y a 49 et 51 ans, donc, ils ont un an et demi d’écart chacun. Mon père a les cheveux bruns qui vont vers le gris et les yeux marrons, ma mère, elle, elle est rousse, mais je crois que c’est une couleur, je voudrais pas te dire de conneries. Ses yeux à elle ils sont plutôt verts. Vert foncé, j’insiste. Ensuite, alors, y’a mes grand-parents, LAISSE-MOI TE PARLER DE MES GRAND-PARENTS !
[Six heures et demi et une hypothermie plus tard]
… et c’est comme ça que mon lointain aïeux était la sixième bactérie à jamais avoir émergé sur Terre. Après, pour me définir, je dirais que je suis plutôt balance ascendant scorpion, si tu vois un peu de quoi je parle, j’aime pas mal les bains moussants. Ma première expérience sexuelle, c’était à seize ans, ma première vérole aussi, tiens. Je chausse du...
[Douze heures et une décomposition de corps dans la neige plus tard]
… donc en fait tu vois, je suis boulanger. Un boulanger en fait, mon gars, c’est un type, il fait du pain et des pâtisserie. Alors… comment qu’on fait du pain ? C’est quoi du pain ? Oh mon salaud, j’espère que t’as trois jours devant toi, parce qu’on va parler de la culture de blé et de l’invention du moulin. Accroche-toi bien ça va être fa-sci-nant.
[72 heures d’emmerde concentré plus tard]
.. Pis je t’ai pas diiiiiit ! J’ai un fusil qui tire avec mon propre cœur – c’trop profond pour toi, t’peux pas comprendre – et je dégomme des insectes géants qui sont là parce qu’ils sont là. Alors ! Alors ! Impressionné, hein ?! »
Comment ? Je grossis le trait. De peu, de très peu, je le crains. La présentation qui nous sera faite de Letter Bee, ce qui compose un monde que nous devrions en principe découvrir pas-à-pas et un héros qui nous dévoile tous ses atouts en trois pages de temps, est à peu près aussi subtil que le compte-rendu présentement composé. C’est si mal fait que ça prélude le restant. Parce que figurez-vous que cette triste affaire va se prolonger encore vingt tomes.
Pourtant, un héros qui est postier, ça me branche bien. J’avais déjà eu l’idée pour un roman fantastique. C’est une excellente idée dans le principe ; ça justifie que le personnage soit nomade, explore et découvre le monde avec les lecteurs, qu’il ait des quêtes, qu’il rencontre des tas de gens, qu’il transporte des choses plus ou moins suspectes auxquelles seront corrélées des enjeux, qu’il se fasse attaquer du fait qu’il convoie des objets précieux… c’est une idée en or. Seulement, l’or, aussi longtemps qu’on s’abstiendra de l’extraire de la terre, ne brillera jamais que d’un éclat boueux. Hiroyuki Asada a l’idée ; le titre de la concession, seulement… il ne sait pas comment l’exploiter. Vingt tomes durant, on le passera à se dire que l’auteur a le cul sur un immense trésor, et que jamais nous n’en verrons la couleur.
L’affaire-là, c’est bishônen en diable, sirupeux, mais ça se paye surtout le culot d’être banalement ordinaire. Entre le protagoniste qui n’est ni plus ni moins qu’un concentré de justice et d’intégrité ambulant – ah, si mon postier pouvait être pareil – , qui ne craint pas la mort tant il est si fort ; mais attention, avec un passé sombre et tragique, sans compter mon cul sur la commode. Tout y est, je vous l’assure. Vous allez passer un sale moment à lire ceci. Hauts les chœurs cependant, tout ça, la chienlit, vous en aurez une idée bien définie à compter du chapitre un. La première impression sera la bonne et donc, très mauvaise.
D’autant que Gauche nous avertit, s’il utilise tout son cœur comme munition, la personne qu’il est demeurera, mais jamais comme elle ne sera celle qu’on connaissait. J’en déduis donc que Gauche va faire preuve d’une extrême précaution pour que cette situation for fâcheuse n’advienne en aucune façon. N’est-ce pas ?
Non seulement l’intrigue est convenue et usée à neuf, mais elle annonce la couleur en nous indiquant les futures étapes du récit. À quoi bon le lire, dans ce cas ? La question, je me la serai posée jusqu’à la toute fin.
Lag et Maka seront des personnages insupportables de niaiserie et de bons sentiments creux et maladroits. Vous voulez qu’on croit à vos persos ? Qu’on souscrive à ce qu’ils sont, quoi qu’ils soient ? Rendez-les crédibles ; investissez-vous dans leur écriture, bon sang. Ou alors, soyez auteur d’un Bishônen qui ne s’assume pas pour ce qu’il est, et dessinez des gamins aux visages lisses, avec des graaaands yeux et des têtes d’ahuris supposés véhiculer un sentiment d’innocence.
Les combats, qui ne sont guère que des déferlements lumineux et incessants, n’ont rien d’intéressant. Mieux encore, ils n’ont rien à faire là. Les Bees auraient eu tout à gagner à s’assumer comme des coursiers à même de s’investir dans des scénarios travaillés, s’inscrivant à chaque nouvelle mission dans une nouvelle dynamique venue redéfinir le paysage ; renouveler un peu le tout.
Rien ne sera cependant renouvelé ou même nouvelé, d’ailleurs. Ça prendra de grands airs jusqu’à inspirer tout l’oxygène environnant, en multipliant les poses et les airs concernés pour se perdre dans une trame dans laquelle on n’a nullement envie de s’investir en tant que lecteur. Bien assez tôt, la mission première des Bees sera expédiée aux chiottes. Ça se saurait si Ichigo avait continué à envoyer des âmes dans l’au-delà passé le premier tome. La plèbe veut du « pan pan ». Elle l’aura. Nous aussi nous l’aurons... mais je ne vous dirai pas où, exactement, nous l’aurons.
Dans le cul. On va l’avoir dans le cul, comme à chaque fois qu’on lira un Shônen qui prétendra être spécial, pour finalement ne s’avérer que spécialement vide et dépourvu du moindre intérêt.
Bien que parti franchement défaitiste, j’admets avoir sous-estimé l’œuvre. J’entends par-là avoir sous-estimé à quel point elle était pétrie des poncifs les plus caricaturaux qui soient. Comment va s’appeler le Gauche nouveau ? Vous savez, celui qui jura ne jamais abandonner son cœur pour ne pas risquer de devenir celui qui ne serait plus ? « Noir ». Il va s’appeler « Noir ». J’imagine que XxXSuper_Darkdu59XxX était déjà pris, qu’il aura fallu se reporter sur plus sobre. Parce qu’en français, la connerie n’en est que plus raffinée figurez-vous.
Et ces trames graphiques, greffées sur des dessins efféminés et vidés de la moindre substance, vous en reviendrez vite. Un bishônen qui pense pouvoir se pourvoir d’atouts relativement à son dessin ; j’aurais tout vu. Rien qui ne fut néanmoins plaisant à voir.
On se fourvoie en fin de parcours sur une baston supposée dantesque – simplement bruyante et agitée – aucune conclusion pour le moindre personnage, des yeux brillants de larmes, et une pose supposée enjouée où nos deux insupportables protagonistes nous sourient en nous jurant que le soleil brille, mes bons amis. Il brille, mais pas assez encore pour immoler cette immondice jetée sur papier.
Encore un grand concentré de rien, agité au shaker, puis servi dans un verre percé. Et il aura fallu le laper jusqu’à la dernière goutte.
Créée
le 5 déc. 2024
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