Ronimpressionnant !!!
Voilà ce que j'appelle une épopée monumentale. Une fresque inoubliable portée par un tandem atypique : le père, terrifiant ronin, et le fils, un concentré d'innoncence et de pureté qui erre sans...
le 3 déc. 2012
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Lone Wolf and Cub n'est pas le premier rodéo auquel m'auront convié Goseki Kojima et Kazuo Koike. Peut-être le dernier en tout cas car, en deux œuvres à peine, je pense avoir discerné les contours de leur talent. Un talent avéré, il est vrai. Compliqué à re-contextualiser cela dit. Bien des procès d'intentions me seront peut-être intentés pour cette critique alors que - sans honte - je profane un monument dont je remets sérieusement en cause la magnificence admise par le plus grand nombre.
S'il serait injuste et mensonger de dire de l'œuvre qu'elle est mauvaise. Dire en revanche la vérité à son sujet serait peut-être considéré par certains comme une pire insulte encore. Je m'y risque ; Lone Wolf and Cub est correct. Simplement correct.
Avant d'entreprendre ma lecture j'avais, il y a quelques temps déjà, lu Path of the Assassin des mêmes auteurs, un manga qui n'aura pas été publié en France. Un manga qui entassait les mérites autant qu'il cumulait les tares. Une en particulier que je n'ai heureusement pas retrouvée dans cette œuvre-ci. Pour avoir lu deux compositions du même duo d'auteur je puis dire qu'elles se valent. Bien que les deux s'attardent sur des récits du Japon médiéval, le traitement de ses sujets diffère, preuve de l'éclectisme - partiel - de Kazuo Koike.
Les deux mangas se valent en ce sens où, sans être trop désagréable à lire, ils ne semblent rien bouleverser, en tout cas pas leur lecteur. Je ne m'explique la passion des Français pour Lone Wolf and Cub qu'à l'aune d'un contexte éditorial. L'essor du manga battait son plein et, au milieu des œuvres qui nous parvenaient, l'une aura bénéficié à l'époque d'une notoriété critique. Cette œuvre, c'était Lone Wolf and Cub et - je le crois - elle aura joui de sa renommée par contraste. Car alors que les Shônens battaient en ce temps la mesure, un Seinen emprunt d'une maturité semblait dénoter par rapport au reste. Depuis, bien d'autres Seinen nous sont parvenus et l'auront éclipsé.
L'engouement ne fut pas aussi conséquent que certains veulent bien le croire ; Lone Wolf and Cub était un succès, certes, mais un petit succès. Un petit succès qui, je l'admets... vaut une réédition, ne serait-ce que pour sa trace laissée dans l'histoire du manga.
Comme pour Path of the Assassins, les dessins sont loin d'être sensationnels, ils ont néanmoins une empreinte forte et marquée attestant d'une identité réelle et d'un style propre à Goseki Kojima. Cela vaut sans doute mieux qu'un beau dessin impersonnel. Car il n'est pas beau ce dessin-ci. Les visages sont parfois difficiles à distinguer et tiennent presque lieu de représentations à la fois sérieuses et grotesques des faciès dessinés par Tetsuya Chiba en son temps. Je n'y aurais pas trouvé mon compte quant à mes sensibilités ; le graphisme ne m'aura vraiment rien évoqué. Rien, si ce n'est parfois la confusion quand des scènes de combat parfois brouillonnes se distinguaient sur les planches.
Peut-être serait-ce toutefois déplacé de ma part de m'en plaindre car, précurseur en matière de dessin, Kojima a peut-être influencé autant de successeurs qu'il me fut permis d'apprécier grâce à son exemple. Je ne suis en tout cas pas parvenu à établir la moindre parenté stylistique avec qui que ce soit par la suite et m'en estime plutôt heureux.
Quelle histoire narre-t-on ici ? Un chef d'œuvre scénaristique avant-gardiste ? Si tel fut le cas, je ne l'ai pas lu. Le premier chapitre s'annonce comme une mauvaise nouvelle alors que la narration sert allègrement la soupe à son personnage principal. Un assassin est capturé - pas même tué alors qu'il n'y a aucune information à tirer de lui - et on le détache au prétexte qu'il souhaite aider son fils à pisser. La suite, vous la devinez, on regrettera lui avoir ôté ses liens.
Je m'y connais en terme de facilité artistique, j'aurais été mainte fois éprouvé par la manœuvre et ça, c'en était. Itto ne sera fort que des faiblesses manifestes de ses adversaires. Seul le contraste avec des personnages minables justifiera sa puissance au regard de la narration.
Ça, et aussi sa puissance démesurée. Le loup solitaire n'est qu'ici un Golgo 13 né prématuré quatre siècle avant son terme. Itto, à lui seul vaut bien une armée d'hommes aguerris. Quasi invincible, il enchaînera les massacres occasionnés avec une facilité déconcertante - car l'intrigue est de son côté - ne s'arrêtant que pour philosopher les yeux froncés.
Car, bien entendu, il admonestera autant son fils que ses lecteurs de «sagesses» de comptoir de l'époque qu'il professera avec certitudes. Et ce ne sont pas les samouraïs qu'il aura occis par millions qui le contrediront, encore moins son fils pas encore doté de la parole au début et qui, de toute manière, ne l'écoute même pas. Lone Wolf and Cub prête rapidement le flanc à la parodie tant il est risible à ses dépends pour qui le lit d'un regard détaché.
Le format épisodique n'aura clairement pas aidé à me le concilier. Tous ses assassinats suivent certes le fil rouge continu de sa vengeance, mais seront autant de bifurcations indésirables sur le tracé du récit. Sa vengeance nous aurait suffit sans nous perdre dans de multiples dédales scénaristiques dont - à force de les subir - nous finissons par connaître le chemin par cœur.
Les décors, la scénographie et le contexte général a beau changer, on y retrouve la même finalité et surtout le même sentiment de vide une fois la besogne achevée. Encore une fois, peut-être y a-t-il des éléments du récit à re-contextualiser pour prendre conscience de l'avance qu'avait l'œuvre sur son temps... mais à moins qu'on ne m'en fasse mention, je ne suis pas parvenu à en déceler le génie par moi-même. Peut-être n'y ai-je rien vu parce que je voulais ne rien y voir ou... peut-être certains y ont-ils vu ce qu'ils ont voulu voir.
J'ignore si l'histoire était novatrice pour l'époque - et j'en doute très fortement quand on sait que le cinéma de Kurosawa et Kobayashi pré-existaient à l'œuvre - mais une affaire de vengeance telle que présentée ici suggère le soupir plus que le haussement de sourcil. Son dénouement sera peut-être plaisant à certains égards, mais son orchestration laissera à désirer en terme d'originalité. Chaque tome me tombait des mains ; Lone Wolf and Cub est davantage fait de textes abscons que de passions sincères. Ce que j'ai lu ici, c'était une mauvaise histoire de samouraï. Élaborée, peut-être, mais davantage par les bavardages que l'épaisseur réelle de son intrigue.
L'intrigue avait pourtant tout pour me séduire alors que la politique s'y mêlait presque à chaque chapitre mais, en dépit de toutes les considérations finalement plus noueuses que complexes, on se rend compte que ledit contenu politique n'est présent qu'en tapisserie. Les scénarios qui se multiplient ici s'élaborent à la seule fin de gonfler artificiellement des enjeux dérisoires sur lesquelles on s'attardera trop peu pour leur prêter une quelconque importance. L'absence de personnages secondaires récurrents ou même un tantinet développés rend la lecture véritablement pénible.
Tout cela est bien dommage car Kazuo Koike a pour grand mérite d'être particulièrement érudit des choses de l'Histoire et de nous le démontrer dans chacune de ses œuvres en distillant autant d'éléments historiques susceptibles de crédibiliser l'époque dans son récit. Mais, quand ici la fiction prend tant le pas sur l'Histoire, elle l'écrase au point de la faire disparaître sous la semelle de ses zoris.
Lone Wolf and Cub c'est Itto avec sa bite, son couteau et son landau-arsenal qui équarrit tout ce qui a un sabre autour de lui. Je vous ai là résumé l'essentiel.
Pour que ça ne ressemble pas à un festival de violence gratuite et parfois manichéenne (qui peut pourtant trouver ses lettres de noblesse dans certaines œuvres), on bavasse autour. On parle, on parle, on créé de l'intrigue à partir de rien pour que ça ait l'air de quelque chose. Mais Lone Wolf and Cub a l'air de ce qu'il est et toutes les complexités de façade n'y feront rien.
Ce n'est déjà pas prenant - la mise en scène ne contribue d'ailleurs pas pour le meilleur - mais ça trouve le moyen d'être trop long. Étiré même, jusqu'à ce que ce qui fut un jour compact devienne filandreux. La vengeance s'orchestre alors et, l'arc final - qui aurait gagné à advenir bien plus tôt - est finalement acceptable, ce sera là ma seule satisfaction. Je n'aurais toutefois pas saisi pourquoi Retsudo laissera Daigoro en vie.
Sans doute était-ce là la démonstration d'une de ces grandes philosophies de Rônin narrées tout le long de mon laborieux parcours de lecture ; une de ces philosophies auxquelles je fus hermétique tout du long. Autant qu'à tout ce qui constitue Lone Wolf and Cub, de son cœur jusqu'à ses entrailles.
Créée
le 26 juil. 2020
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