« Lorna » est un ovni. Œuvre pleinement assumée de série Z scénarisée et dessinée par Brüno, elle ne laissera personne indifférent. Sous-titré (ironiquement ?) « Heaven is here », ce livre vous permettra de croiser une femme géante, une star du porno, des mutants, des scientifiques fous… Inutile d’aller chercher plus loin : c’est un bordel complet et assumé. Le tout est édité chez Treize Etrange, qui porte très bien son nom du coup.
Bien sûr, il serait facile de voir en « Lorna » une œuvre mineure de Brüno, un défouloir où fantasmes et histoires de gamins s’y croisent. Mais ce serait passer à côté de ce livre. Car sous couvert d’un scénario rocambolesque, la maîtrise des codes de la bande-dessinée est ici de haut vol. La narration, le dessin, le découpage… Tout est d’un niveau élevé. Et finalement, c’est Brüno qui joue avec nos nerfs. Car tout démarre de façon très cinématographique. On commence à être pris par l’histoire et voilà que les éléments perturbateurs interviennent : un homme se change en monstre, un laboratoire pharmaceutique invente une pilule qui fait gonfler le pénis. L’aspect second degrés est assumé bien qu’il n’y ait pas une once réelle d’humour dans l’ouvrage. Brüno joue de l’ambiguïté avec perfection.
L’histoire est découpé en chapitres, façon série à suivre. Les personnages sont stéréotypés au maximum. Difficile de s’attacher à eux. Ainsi, le scientifique Machin (c’est son nom), d’abord trahi (et donc presque sympathique) devient complètement fou et part travailler sur des projets horribles pour l’armée. Seule Tamara Teets (sic), star du porno, semble finalement assez équilibrée. Comme quoi, dans le monde que nous a concocté Brüno, tout s’inverse.
Il est important de signaler que « Lorna » n’est pas à réserver à tous les publics. Outre la violence de certaines scènes, beaucoup d’actes sexuels sont très explicites. Ce qui fait que cet ouvrage est destiné à un public adulte ou, comme on aime dire, averti.
Malgré un scénario complètement barré, il faut bien avouer que l’on est captivé par l’histoire et que l’on ne voit pas le temps passer le long des 146 pages de l’ouvrage. Le suspense est réel, la fin prenante. De plus, Brüno joue avec les codes graphiques le long du livre, montrant une maîtrise technique qui va au-delà d’une simple marque de fabrique.
Au niveau du dessin, Brüno utilise comme toujours son dessin si particulier fait d’un encrage en aplats noirs. Ici, le tout est rehaussé par la bichromie (en orange) qui donne un peu de volume à l’ensemble et permet quelques digressions intelligentes. Le dessin convient parfaitement à l’ensemble.
Au final, « Lorna » est une œuvre à ne pas sous-estimer. Certes, l’influence série Z fait que le scénario n’a qu’un intérêt limité. Mais la maîtrise des codes graphiques, des dialogues et de la narration montre combien Brüno est un auteur à suivre.