- Bathsheba... On m'a dit que tu te sentais mal.
- C'est le cas. Mais je me suis fait violence pour venir dîner avec toi. Et voilà que je te retrouve en train de battre mon enfant ?
- Je ne la battais pas. Elle... Elle l'a bien mérité. Elle est crasseuse !
- C'est une enfant ! Pourquoi faut-il que vous maltraitiez tous vos enfants, vous les hommes ?! Dois-je m'attendre aux mêmes réactions quand le tien sera né ?
Les éditions Delcourt assènent une fois encore un terrible coup aux lecteurs avec Marshal Bass, tome 6 : Los Lobos, bande dessinée dans laquelle on retrouve la plume percutante de Darko Macan, qui nous projette dans un far west extrêmement violent et réaliste. Un western implacable et nihiliste dans lequel l'on retrouve le shérif-adjoint River Bass qui tente de survivre dans un pays sauvage, austère et agressif en étant lui-même un prédateur à la moralité douteuse bien que justicier : un loup avec un badge parmi les loups. Pour ce nouveau périple, il n'est pour notre shérif-adjoint afro-américain ex esclave affranchi, nulle question de remplir une mission attitrée par le colonel Terrence B. Helena au service des U.S. Marshals, comme il est coutumier, mais d'affaires personnelles : plus précisément familiales ! Sa femme Bathsheba, a fui le foyer avec ses nombreux enfants (voir Marshal Bass, tome 5 : L'Ange de Lombard Street), après être parti durant plus d'une année remplir des missions sans jamais penser à rentrer, fuyant le fantôme de son fils qu'il a froidement abattu (voir Marshal Bass, tome 3 : Son nom est personne). Une recherche familière qui le conduira sur les terres du riche éleveur Don Vega, sur le point de se marier avec Bathsheba, alors que s'invite le terrible gang des Los Lobos, une bande de salopards ayant pour chef l'imoral Joaquin, frère de Don Vega. Un gros merdier où la famille Bass au complet va devoir prendre les armes pour survivre.
Avec ce sixième album on découvre plus profondément la famille Bass, qui apporte à l'intrigue un contraste dramatique implacable où la fureur, la souffrance et la bestialité prévalent sur le sens moral : au nom de la survie ! Une opposition de valeurs entre un père délétère et égoïste qui semblait n’être rattaché à aucune valeur familiale, mais qui devant la perte occasionnée semble retrouver un semblant d'humanisme, et des enfants désabusés par cette absence autoritaire et affective contraint de devenir rapidement adultes pour survivre à l'enfer infernal de l'Ouest, avec une mère qui pour survivre à tout cela avec sa portée n'a d'autres choix que d'épouser un homme riche. Une belle moralisation qui devant un rude réalisme et ce besoin vital de survivre, s'effrite totalement dans une décadence absolue. L'instinct de survie, meilleur des moteurs pour rester vivant et peu importe les épreuves à affronter. Les agneaux deviennent des loups pour dévorer les autres loups qui sont à leurs portes.
Un récit aride qui sans retenue déchaîne son histoire à travers une extrême violence, où River va devoir régler des comptes avec sa famille par une confrontation d'ordre morale, psychologique et physique, à travers une tension persistante sur des actions barbares. Un western immoral qui sur un rythme endiablé et sous une atmosphère de plomb suffocante, offrant une odyssée désespérée extrêmement violente. Une plaine théâtrale radicale et rigide en parfaite adéquation avec la sèche brutalité des décors dépeints. Des dessins arides convaincants signés Igor Kordey, qui expose avec un savoir-faire déroutant le milieu hostile et impassible de son auteur. Des illustrations soignées dans une mouvance comics efficace appuyée par les couleurs de Nikola Vitkovic. Un rendu technique convaincant à l'origine de superbes vignettes avec la fameuse double page somptueuse que l'on retrouve pour chaque tome et qui ici illustre la propriété de Don Vega. Les traits des protagonistes sont ignoblement parfaits tant ils idéalisent toute la perfidie des personnages, en particulier autour du gang de Los Lobos avec le trio de malvoyants pour une seule paire de lunettes comprenant : Norman alias Le Profesor, Diego et Jorge. Vient également l'estropié Leandro, le sanguinaire Roberto et bien entendu le chef des Los Lobos : Joaquin.
CONCLUSION :
Marshal Bass, tome 6 : Los Lobos, sous la tutelle du scénariste Darko Macan continue de piétiner le symbolisme du western en se confrontant aux valeurs familiales. L'immoralité du genre humain que l'on explore à travers des belles pourritures incarnés ici par les Mexicains que l'auteur avait légèrement épargné jusque-là. Un western unique et incontournable dans le domaine de la bande dessinée westernienne offrant un cadre abominable idéal à son personnage principal impitoyable mais faillible.
Pas de répit pour la famille Bass, et encore moins pour le lecteur.
Tu avais raison, canasson... Je ne vois rien du tout d'ici... Ce qui signifie que je vais devoir m'approcher et jeter un œil. Que dis-tu, canasson ? Pourquoi je fais ça, alors que je viens de jurer à Délilah que je n'en ai rien à faire, de sa mère ? Si seulement je le savais, canasson. Mais je suis là, n'est-ce pas ?! Continue de brouter. Si tu arrives à court de nourriture, tu as ma permission de ronger tes rênes et d'aller où tu veux. De toute façon, si je pars aussi longtemps... Ça signifiera que je ne reviendrai pas.