Low Moon & autres histoires par belzaran

« Low Moon » est un recueil de cinq histoires écrites et dessinées par Jason. Si les histoires n'ont pas de liens directs entre elles, on y côtoie fréquemment la mort et l'absurde, à l'image de cette partie d'échecs qui angoisse toute une ville à l'allure de western où les vélos ont remplacé les chevaux...

Jason est un auteur de BD qui a participé à une forme d'expérimentation narrative. Ses personnages sont très peu bavards (certaines de ses BD sont même entièrement muettes). L'information passe donc essentiellement par le dessin, ce qui est en soit une forme de prouesse tant l'auteur parvient à nous faire comprendre ce qu'il se passe sans mots.

Toutes les planches sont constituées d'un gaufrier de deux lignes et deux colonnes. Toutes les cases ont la même taille. Comme il n'y a pas de textes, il n'est pas rare qu'une page ne raconte que le fait qu'un personnage prenne son chapeau et sorte. Si bien que l'on a tendance à lire les planches à grande vitesse. Cependant, une lecture trop rapide amène rapidement l'incompréhension et demande de retourner en arrière. Sous une apparente simplicité, cette BD est beaucoup plus subtile.

Le manque de dialogues apporte une noirceur supplémentaire au propos. Ce dernier est sombre, voir morbide. La déception amoureuse, le désespoir, la violence envers les autres sont des thèmes qui fondent les histoires de Jason. Construites un peu comme des nouvelles, elles possèdent toutes une chute, toujours tragique. Le contexte très flou dans lequel elles se passent ajoute un côté dépaysant étonnant (far-west moderne, hommes en peau de bête vivant dans un pavillon...).

On ne peut s'empêcher de dévorer cette œuvre de plus de 200 pages. Et on reste marqué après la lecture, plombé par le spectacle de la tragédie humaine. Jason parvient à susciter un malaise chez le lecteur. Etant donné l'impression première donnée par l'ouvrage (dessin simple, peu de textes...), c'est d'autant plus remarquable.

Le dessin anthropomorphique de Jason est très particulier. Ses animaux sont parfois indistincts et il y a une vraie difficulté à les reconnaître par moment. Il semblerait que cela soit voulu. Leur aspect inexpressif est simplement glacial. Certes, on peut voir leurs émotions mais on ne se détache jamais de ce regard vide et de ces visages statiques, tels des masques rigides. La mise en couleur atténue un peu cet aspect sombre. Si la couleur rend la lecture agréable, on est en droit de se demander si le noir et blanc n'aurait pas mieux convenu à cette BD.

Au final, « Low Moon » est particulièrement réussi dans le sens où il ne laisse pas le lecteur indifférent. Clairement sombre et plombant, Jason suscite un malaise persistant chez son lecteur. N'est-ce pas le signe d'une œuvre réussie ?