Le moins que je puisse dire c'est qu'Yslaire s'est impliqué à fond dans son hommage à Baudelaire, dont nous fêtons cette année le bicentenaire de naissance. Le "poète maudit" surtout connu et reconnu pour ses "Fleurs du Mal", recueil que j'aime énormément, est ici l'objet d'une biographie illustrée et très documentée, à travers le récit fictif de sa maîtresse, Jeanne Duval.
Grâce à ce récit qui raconte "Monsieur Charles" de son enfance à sa mort, celle qui partagea sa vie, son lit, ses écrits, ses gouffres et ses nuées le dénude pour nous au propre comme au figuré. L'univers onirique du poète se dessine au fil des pages, peuplé de ses démons et de ses muses.
Le choix d'un traitement chronologique est confortable pour le lecteur qui, comme moi, ne connait Baudelaire que par sa poésie, ignorant quasiment tout de sa vie, imaginant à la limite sa vie de dandy bohême mais sans véritablement connaître les aspirations de son âme. De ce point de vue, l'œuvre d'Yslaire est remarquable et à remarquer.
Toutefois, je n'ai pas été entièrement conquise par cette bande-dessinée, pour deux raisons ; la première parce que le dessin m'a souvent désenchantée même si globalement il dégage pas mal d'esthétisme, la seconde parce que je m'attendais à davantage de liens entre cette BD et les vers du poète. Or, l'apparition des "Fleurs du Mal" est traitée factuellement, l'émergence de la puissance de la vision de Baudelaire, sa sulfureuse audace et la séduction de ses poèmes passent presque inaperçues au profit des éléments de contexte sociaux et historiques.
Au final, "Mademoiselle Baudelaire" aura été pour moi une découverte biographique intéressante, portant notamment sur la personne de Jeanne Duval, qu'une illustration d'un talent unique et précurseur. Malgré de belles métaphores très visuelles comme celle du sexe féminin qui devient la rose enivrante, le charme de la poésie baudelairienne ne hante pas cet album, et j'aurais apprécié d'en savoir un peu moins sur la syphilis de Baudelaire ou sur l'identité de ses muses - parfois très furtives - et bien plus sur ses sources d'inspirations, sur sa créativité et sa production poétique. L'approche essentiellement voluptueuse choisie par Yslaire est pleine de cohérence mais trop enfermante, la spécificité artistique du poète n'est pas réellement mise à l'honneur.