Sexe, vie et communication.

Citation:

J'aime regarder les filles... C'était une chanson de Patrick Coutin au début des années 1980. Super chanson! Moi aussi j'aime regarder les filles, repérer LA bombe atomique dans une foule, comment le Terminator trouve des fringues à sa taille dans un bar de bikers bondé grâce à un scan visuel.

C'est comme ça que j'ai trouvé Maka-maka dan une librairie d'Ikebukuro à Tokyo, parmi les centaines de nouveautés empilées sur les tables. Sa couverture émettait sur la fréquence de mon radar oculaire pour me guider jusqu'à elle.

J'aime regarder les filles de Maka-maka, leur auteur, M. Kishi Torajiro réussit à créer avec le lecteur un complicité que peu de B.D. érotiques parviennent à produire. Loin d'être convié à une accumulation de scènes de fesses standardisées, on a plutôt le sentiment de passer une soirée au bar avec deux copines "Jun et Nini" qui nous racontent leurs frasques en rigolant et en sirotant des Sapporo.

De retour à Paris, je brandis fièrement ce chef-d'oeuvre sous le nez de Dominique Véret, M. Manga chez Delcourt. C'est lui qui me propose spontanément d'engager les démarches pour obtenir les droits de Maka-maka et de faire une co-production Akata-Série B. Merci Dominique.
Vous tenez entre vos mains un trésor du manga shojo-ai à la sauce ecchi, bonne lecture !

Olivier Vatine, Rouen 2008.

Une relation dans l'esprit Maka-Maka !

Maka-Maka est un manga de Kishi Torajiro proposant une péripétie amoureuse en deux volumes entre deux jeunes femmes de 20 ans Nini et Jun.. Les mangas Yuri (lesbien) proposant des histoires d’amour sont en plus d'être peu nombreux, assez répétitif. En effet on retrouve régulièrement le contexte d'une relation nouvelle entre deux filles où l'une est sure d'elle et assume son homosexualité, l'autre en mode timide presque vierge n'assumant rien ce dévouant donc corps et âme à sa compagne. Ce constat n'empêche en rien d'avoir quelques titres de qualité arpentant cette scénarisation, seulement on vogue dans le déjà-vu.

Néanmoins, avec Maka-Maka on a droit à un changement de proposition où la construction du couple passe au plan secondaire pour se centrer précisément sur la relation sexuelle.

Une approche dynamique, originale et réussit faisant passer (à l'époque de sa sortie) une direction importante au genre Yuri.

L'histoire bien que très simple propose un scénario malin dans son élaboration. Nonobstant qu'étant quasiment entièrement centré sur la sexualité de Jun et Nini par des dessins érotiques, jamais le récit atteint la vulgarité ou la pornographie grossière. Au contraire, ce contraste offre une caractérisation sentimentale étonnamment crédible et mature par la communication, l'entendement et l'intelligibilité sexuelle.

Du début à la fin les actions paraissent vraies, confèrant une authenticité à son atmosphère.

Toutes les situations conduisant au sexe de par son ambiance, son contexte, son cadre, nous ramène à nos propres expériences que nous soyons homosexuels ou non ce qui facilite l'attachement envers les personnages.

Les héroïnes principales font preuve d'une composition édifiante, ce sont de jeunes femmes et non des adolescentes et cela fait une sacrée différence. En effet ce ne sont plus des lycéennes, elles ne sont plus vierges depuis longtemps, ont d'autres centres de priorité, possèdent leurs propres expériences de la vie qu'elle soit professionnelle, sexuelle ou sentimentale.

Ce point donne une sacrée singularité et légitimité à ses protagonistes.

Jun et Nini sont des femmes sexuellement libérées à la fois aguichante et charnelle profitant de ce que la vie offre refusant de s'encombrer, laissant libre cours à leur passion. Simplement des filles en phase avec notre réalité faisant preuve d'adultisme et de sagesse dans une affection émouvante suivit d'une complicité sensuelle sans pour autant succomber dans une surconsomation de romantisme à l'eau de rose.

Le premier volume ce centre davantage sur l'acte présentant plus profondément et de manière enjoué ses personnages par des pages descriptifs intelligemment mis en avant entre les chapitres. Exemple: "Tout sur Nini" et "Tout sur Jun", ainsi que par une présentation "Journée type de Jun" ou encore "Journée type de Nini" en 7 points avec Réveil, Petit-déjeuner, Journée, Déjeuner, Soir, Dîner, Dodo. Une sollicitation maligne qui permet d'en savoir plus sur les deux héroïnes sans pour autant ralentir le récit.

Le second volume tout en proposant une bonne proportion sexuelle va plus en profondeur dans le ressentir des demoiselles conduisant à une conclusion parfaitement mûr, raisonnable et sincère.

Les chapitres sont éphémères dans une résonance certes cyclique et itérative mais sans être rébarbatif car complètement en phase avec son titre secondaire "Sex, Life and Communication". En définitive le message en lui-même passe par la passion des corps offrant une lecture positivement délectable.

Présenté dans un livre grand format avec des pages en papier glacé permettant de profiter avec plaisir du jeu de colorisation subtil avec ses mouvances d'ombres embellissant les superbes planches graphique de Kisho Torajiro. Le style graphique des dessins s'éloigne d'un manga conventionnel fusionnant avec le chara design d'un comic, ce qui pourrait peut-être en gêner certain mais offre pour ma part un contenu visuel original et qualitatif.

Le design sait mettre en valeur les formes de ses personnages démontrant avec beauté les gestuelles des jeunes femmes, leurs baisers, leurs caresses... l'érotisme est sublimé.

La couverture est dotée d'un élément singulier capable de changer le concept du dessin de manière déroutante, même si à tenir en main ce n'est pas toujours évident. Néanmoins attention à ne pas laisser traîner n'importe les deux livres.

CONCLUSION:

Maka-Maka est atypique, apportant clairement un bol de fraicheur autant dans sa technicité que dans son contenu. Kishi Torajiro conduit une oeuvre non pas parfaite mais réellement originale pleine de qualité et de bons sentiments. Il pourrait lui être reproché de ne tenir qu'en deux volumes et de ne traiter que trop peu l'aspect dramatique pour laisser place à l'érotisme, mais se serait justement ne pas saisir la nuance de Maka-Maka qui comme le souligne très justement son sous-titre "Sexe, vie et communication".

Un manga en avance sur son temps !