Une vraie découverte et une très bonne surprise pour moi que ce Malaterre dont je n'attendais rien de précis et qui a vraiment su me charmer!
Décidément, les pères un peu "spéciaux" (pour ne pas dire des gros con###ds...) inspirent (en bien!) actuellement les auteurs de BD - après notamment un volume 4 de L'Arabe du futur de très haute tenue (sans vouloir trop spolier ce dernier, sachez en tout cas que sa conclusion constitue quasiment le point de départ de ce Malaterre!). C'est donc une chronique familiale que nous propose ici l'auteur, plus précisément celle d'une fratrie de 3, baladée entre un père et une mère séparés, le premier vivant dans une exploitation au sein d'une (ex-)colonie d'Afrique francophone (pour ce que j'ai compris en tout cas, le pays en question n'étant jamais cité nommément). Je vous épargne les détails pour ne pas trop spoiler un scénario prenant, mais sachez en tout cas que les enfants en question vont faire la découverte de ce pays, de ses charmes, de ses habitants et de ses expatrié(e)s.
La dédicace au tout début de l'ouvrage ne laisse pas planer trop d'ambiguïtés sur le caractère fortement autobiographique de l'oeuvre pour son auteur, sans que l'on sache cependant (et sans que cela soit d'ailleurs forcément important) dans quelle mesure le cadre et les événements ont été modifiés ou non pour le bien de la narration. C'est en tout cas un récit extrêmement mâture, tout en sensibilité, que nous propose l'auteur: s'il ne se prive pas de juger (en mal) cette figure du père pour le moins "déstructurante" et ses actions "discutables", il essaie cependant bien de nous faire comprendre sa personnalité et ses motivations, ses obsessions qui l'ont poussé sur le chemin qu'il s'est choisi pour lui et ses enfants, évitant tout manichéisme ; par ailleurs, l'auteur pose aussi clairement la question de la part de responsabilité des enfants (des ados à l'époque) dans cette affaire et de leur insensibilité vis-à-vis de leur mère et de leur frère, en quelque sorte enivrés qu'ils étaient par les promesses d'argent et d'exotisme de leur père...et par la liberté quasi-totale qu'ils trouveront en ce lointain pays où celui-ci s'est expatrié.
Ce roman graphique bénéficie également d'un découpage et d'un rythme vraiment brillants - il n'y a pas d'autres mots -, ainsi que d'un superbe travail sur la couleur qui transcende littéralement (avec ses couleurs douces et délavées aux tons pastel) des dessins très élégants, à mi-chemin entre crayonné et ligne claire pour les personnages (comme un Joan Sfar qui aurait subitement décidé de se mettre sérieusement au dessin!), et avec un très bel usage des dégradés et hachures pour les ombres et décors.
Bref, vous aurez compris que je suis largement séduit par cette BD, et même plus largement par cet auteur, dont j'espère découvrir bientôt les œuvres passées et futures. Je ne suis pas devin, mais il se pourrait bien que cette BD reparte avec quelques trophées d'ici la fin de l'année (même si la concurrence semble être de haut niveau cette année)...