1923. Suite à la défaite des armées grecques face aux troupes de Mustafa Kémal, des centaines de milliers de grecs vivant sur la côte ouest de la Turquie furent expulsés vers leur mère patrie. Un déplacement de population massif effectué à marche forcée et qui laissa sur le carreau nombre de réfugiés. Ayant tout perdu au moment de leur départ ces réfugiés durent de plus, une fois de retour en Grèce, affronter les réactions hostiles de la population locale qui ne les considérait pas comme des compatriotes mais voyait plutôt en eux des immigrés. Une intégration difficile voir impossible et des conditions de vie extrêmement précaires ont longtemps fait de ces Micrasiates (Grecs d’Asie Mineure) des parias dans leur propre pays.

Ce roman graphique raconte l’histoire de Manolis, enfant grec né en Turquie et frappé de plein fouet par « la grande catastrophe ». Séparé de ses parents et de ses frères au moment de monter sur le bateau devant les ramener en Grèce, le jeune garçon reste sous la protection de sa grand-mère. Ensemble ils vont connaître bien des épreuves et échouer dans une ville du Péloponnèse où personne ne fait grand cas d’eux. Placé un temps en famille d’accueil, Manolis apprend que les membres de sa famille sont en Crète. Décidé à les rejoindre coûte que coûte, il part seul pour Athènes afin d’embarquer dans le port du Pirée…

Voila une fois encore un album qui entremêle la petite et la grande histoire. Personnellement j’ai préféré m’attarder sur l’aspect individuel du destin de Manolis plutôt que sur l’universalité de la réflexion concernant les ravages de la guerre. Ce récit d’exil et d’initiation à hauteur d’enfant est simple et touchant, sans excès de pathos. Il est intéressant de constater qu’en grandissant le gamin au départ un peu perdu se forge une identité forte et pose un regard lucide et déterminé sur son avenir.

La narration, surtout dans les premières pages m’a fait penser à la très jolie série « Marzi » de Sylvain Savoia et Marzena Sowa. Graphiquement, on sent l’influence de Craig Thompson mais aussi du Sergio Salma de « Marcinelle, 1956 » (surtout à cause de l’encrage épais et charbonneux).

Tout en émotion et en retenu, ce destin individuel pris dans le tourbillon de l’histoire permet de mettre en lumière un épisode tragique sans doute trop peu connue sous nos contrées. Une belle réussite.
jerome60
7
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le 28 août 2013

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