Aujourd'hui nous allons parler d’amour. L’amour authentique, débarrassé des oripeaux du mensonge ou de la jalousie. Un amour avec un joli A, un amour qui traverse le temps et dure de la plus tendre enfance jusqu’à l’âge de se retirer. Martha et Alan se sont rencontrés à l’âge de cinq ans. Alan défend la petite Martha d’une injustice terrible comme les enfants savent s’en inventer. Entre eux, un lien indéfectible se créé. Un truc d’une pureté absolue, une amitié et une alchimie immédiate se tisse entre ces deux petits êtres humains. Sans le savoir, sans en avoir conscience, leur rencontre porte quelque chose de fondamental et rejoint l’humanité entière.
Ce volume fait suite à « la guerre d’Alan » (indispensable roman graphique d’un humanisme incroyable traitant de la guerre 39-45), et à « l’enfance d’Alan » (roman graphique sur l’enfance et l’apprentissage de la vie).
Comme si on regardait de vieux négatifs, Emmanuel Guibert nous invite à admirer et à nous laisser nous imprégner des souvenirs de son ami, Alan Ingram Cope. Par des doubles pages en couleurs d’une beauté saisissante, on respire et on plonge littéralement dans les lieux visités et les ambiances convoquées par la structure narrative. Le dessin a cela d’incroyable de pouvoir redonner une image à de vieux souvenirs enfouis, tapis dans la mémoire, et de les réinterpréter de manière concrète. Emmanuel Guibert a compris l’expérience faite par son ami et la restitue avec une clairvoyance et un souci d’élégance absolument magique. De fait, on ressent viscéralement l’incroyable palette d’émotion qu’un humain est capable de vivre. La vie de cet homme, sans être extraordinaire, (il n’est pas un super-héros en collant sautant de toits en toits, ni un requin des affaires milliardaires ni même un baroudeur de l’extrême sans port d’attache…) porte en elle la quintessence de chacun. L’auteur arrive ainsi à saisir l’essence même d’une relation et dresse plusieurs instantanés de ce qui compte réellement pour chacun d’entre nous.
Cousin français d’un Jiro Tanigushi (auteur des excellents « quartier lointain » mais surtout de « l’homme qui marche ») Emmanuel Guibert partage le même regard philosophique empli de compassion et d’amour pour toute la vie qui l’entoure. Avec lui, la poésie est dans les détails, le temps est un allié nous permettant de profiter de l’instant et tout est là.
C’est simple, c’est beau et ça mérite clairement d’être dit.