Mashle
5.7
Mashle

Manga de Hajime Koumoto (2020)

Vous reprendrez bien un peu de sida sur votre cancer ? Mais si, voyons, ne faites pas les difficiles, l’époque n’est pas prévue pour. Car le tout, quand il s’agit d’agoniser selon les meilleurs termes – et donc les pires – c’est encore de savoir varier les déplaisirs. Mashle ? Bien sûr que ça le goût de la variété ; de la nouveauté, même. La nouveauté telle qu’elle se conçoit aujourd’hui dans le Shônen, toutefois ; un sens de l’innovation qui ne tend pas vers le neuf mais vers une nouvelle tactique de plagiat. Le genre, décidément n’en finit pas de s’auto-cannibaliser et de se régurgiter aussitôt pour que bien vite derrière, un nouveau venu s’en aille laper les sucs encore chauds du dégueulis de ses prédécesseurs pour en faire sa source. Et ainsi se poursuit le cycle de la médiocrité.


La notion de cycle est bien trouvée quand on cause Shônen aujourd’hui ; parce qu’on n’en finit pas de tourner en rond. Tourner en rond et non pas en bourrique, car une bourrique, il faut encore en être une belle pour penser glaner ne serait-ce qu’un soupçon de qualité à même d’exhaler des pages de Mashle. Est-ce un de ces Shônen qui sont mauvais par maladresse ou bien par appât du gain ? Les temps, ils changent, et pas pour le meilleur. Il n’y a même plus de maladresse qui tienne ; aucune circonstance atténuante. On dessine un Shônen aujourd’hui comme on met dans coup de clé à molette à un produit qui passe sur la chaîne de fabrication. Tout ce qui peut potentiellement se rapporter à un quelconque élan créatif est oblitéré. Qu’on ne s’étonne pas que je me gausse aujourd’hui de ces I.A qui dessinent des mangas sans goût et sans âme… mais dont ce qui nous parvient en dernière instance est infiniment plus qualitatif que ce qui se fait par les temps présents. Si Skynet pouvait mettre tous ces Jean-Foutre au chômage…


Par le dessin qu’on va le prendre, Mashle. Et du bout des doigts, pour ne pas se salir de trop. Ça s’améliore dira t-on pour atténuer ce qui vient. Mais si la gradation se fait dans le mieux – et de bien peu – cela ne tient qu’au fait que l’auteur aura bifurqué quant au sujet de ses plagiats graphiques. On commence à piquer du côté des planches rupestres de Beelzebub, on pique des expressions – et pas que – à One puis, sur le tard, par « conscience professionnelle », on se dit quand même qu’on va plutôt pasticher Demon Slayer… mais uniquement parce que ça s’est bien vendu. Le leitmotiv du dessin et du reste est inscrit un filigrane dans chaque trait. Mais si vous dis-je. Penchez-vous davantage sur les planches, plissez les yeux et là, vous verrez l’inspiration même à même de propulser Mashle. Je vous ai fait un zoom pour que vous ne puissiez pas le louper. Saisissant, non ?


J’ai l’impression qu’à mesure que les auteurs de Shônen se succèdent, ceux-ci ont de moins en moins de scrupule à admettre qu’ils en sont pour les sous. Ils n’en sont évidemment pas encore rendus à nous le crier ouvertement dans des interviews, mais il y a un relâchement tel dans le travail commis que c’est pour ainsi dire tout comme. Tout a le goût du faux. Ces gens-là sont de tels fumistes qu’ils vous amènent à vous dire « Au moins, quand Hiro Mashima y allait de sa prévarication, il plagiait à peu près convenablement ». On en est rendu là, anthropologiquement. Il semblerait que ça n’alarme personne à part moi. Tant que les ventes sont là, l’art et la créativité sont apparemment choses secondaires dans le manga. Chose secondaires, si ce n’est même dispensables.


D’abord, on essayait de bien faire. Par la suite, on essayait de faire. Puis on a commencé à faire semblant de faire. Et aujourd’hui, on ne fait même plus semblant. L’exposition de l’univers de Mashle ? Deux cases au premier chapitre. Faut prendre le temps de la savourer ; c’est synthétique. « Eh bah le monde des sorciers, il est comme-ci comme-ça [insérez du sous Fairy Tail], et puis voilà. Ça te plaît ? Ça te plaît pas ? Je m’en branle, je suis parti là-dessus.»


Il faudrait que j’ajoute Hajime Koumoto – l’auteur – à une liste SensCritique. Vous savez, une de celles dont on pourrait rayer les noms un à un. Je crois qu’il y aurait une place toute trouvée, une place prédestinée même.


Ah oui, et l’auteur s’essaye à l’humour. Difficile de dire si cela est concluant ou non, on devine simplement que quelque chose de drôle a supposément eu lieu au regard de la réaction habituelle du tsukkomi. Sans quoi, jamais on ne se serait douté un seul instant qu’il y avait prétexte à rire de quoi que ce soit.


L’humour – ce qui se veut comme tel – est si outrancièrement pompé à One Punch Man – à la mimique près – qu’on se sent gêné pour l’auteur. Ils ne cherchent même plus à maquiller le plagiat. Laissez encore dix ans à l’industrie Shônen, les auteurs en seront réduits à copier-coller littéralement les mangas d’autres auteurs dans leur propre composition en changeant seulement le contenu des bulles. Et dans vingt ans… j’ose même pas imaginer. L’avenir, il est pas radieux quand on cherche à le contempler depuis les planches de Mashle.


L’intrigue, jetée comme un résidu de fausse couche galvanisé à la gégène, peine même à se trouver des prétextes pour exister. Les choses adviennent parce que c’est comme ça. Une cohérence ? De la crédibilité ? Un scénario construit ?! Mais je vous vois venir avec vos réclamations ! D’abord, les mangakas commencent à écrire un manga, ensuite ils prennent leur temps pour élaborer les éléments qui y sont joints, puis ils soignent la mise en scène… on sait où ça a mené ce genre d’atrocités. Non, on s’en tiendra au pire ; c’est pour le mieux. Du point de vue de l’actionnariat des maisons d’éditions chargées d’excréter de pareilles compositions en série.


Ce qu’on lit, c’est One Punch Man à l’école des sorciers. Lisez-moi bien. Je ne suis pas en train de vous dire que ce qui est écrit est un manga qui se serait lourdement inspiré de One Punch Man… c’est une pure copie conforme. Mes yeux clignaient cent fois à chaque plagiat – à raison de trois par page, sans exagérer – devant le caractère invraisemblables de ce qui me passait sous les yeux. D’instinct, j’ai cherché sur Google si, par hasard, il n’y avait pas eu de procès en plagiat, car le plagiat, ici, n’est pas seulement caractérisé… il est même signé et admis ouvertement. Et personne ne s’en scandalise. Mashle, rien que par son existence, est un cas pratique pour les juristes spécialisés dans le droit d’auteur qui, ici, a été allégrement bafoué.

Naturellement – et cela va sans dire – tous les personnages sont insipides au dernier degré, pour ne pas dire au stade terminal, l’adversité y est absente, au lecteur de l’imaginer, les combats, à la mesure du reste, sont dessinés sans imagination ni le moindre effort porté dans leur mise en scène et, bien entendu, rien dans la trame ne peut justifier qu’un esprit critique un tant soit peu fonctionnel puisse s’attacher au récit.


L’humour – qui du moins se prétend comme tel – n’est pas seulement immature… il manque sa cible comme s’il était calibré pour viser à côté. C’est poussif, pétri de gags déjà vus ailleurs et on ne peut plus convenus, et ne repose que sur la même ficelle humoristique à savoir, le caractère froid et nonchalant de son protagoniste qui est si forcé qu’on ne peut même pas faire semblant de croire qu’il nous apparaisse frais et authentique. Faire un manga comique en partant toujours du même point de départ, c’est pourtant faisable. La preuve en est que ça s’est fait. Mais encore faut-il réfléchir à l’humour dont il sera question plutôt que de jeter à l’envolée des gags d’un instant donné qui, jamais n’ont de quoi faire rire. Et pourtant, Dieu sait que je suis bon client quand il s’agit de s’esclaffer. Je fus ici un client fort mal servi.


La magie aussi, ça peut trouver un contexte original et travaillé. Dorohedoro, non ? Ça ne parle à personne. Eh bien on va piocher dans Harry Potter. À pleines poignes bien sûr, et sans regarder ce dont on se saisit. Hajime Koumoto ne cherche même pas à se démarquer, il prend mais ne rend rien. Rien d’autre qu’une copie bien terne en tout cas.


Ce qui se présente comme le scénario est digne d’une succession de quêtes venus d’un MMORPG fait à la hâte. Et je vous parle de quêtes secondaires. De ça, je ne m’en suis pas étonné, la même chose peut être avancée pour tous les Nekketsus qui se font depuis plus de quinze ans. Rien n’est développé, tout est salopé. À l’usure, je ne m’en formalise même plus. J’en suis même à un point où la présence d’un script dans un Shônen m’apparaît comme une incongruité ; une à même de justifier que je puisse rajouter des points supplémentaires. Un peu comme ces profs qui, blasés du caractère attardé de ses élèves, en vient à pousser un cri de joie lorsque l’un d’eux orthographie son nom convenablement sur la copie rendue. En lisant des Shônens contemporain, un lecteur un minimum exigeant trouvera son plaisir là où il le peut à défaut de le faire là où il le doit. Mais de plaisir, à la lecture de Mashle, il n’en sera nullement question.


Puisqu’il est question ici d’un plagiat outrecuidant et éhonté de One Punch Man, on suit donc l’exact même déroulé. Après la phase comique, arrive la bagarre. C’est commun. On tente d’attirer le chaland avec les rires et, quand les zygomatiques se lassent, on cherche à les garder captifs avec des combats sans intérêt autre que de prolonger un manga qui n’a jamais rien eu à nous apporter. Typiquement, Reborn.


À quoi bon les combats tandis que tout, dans le manga, a été modelé afin que Mash puisse s’essuyer les pieds sur la gueule du tout venant ? Un combat contre lui ? C’est rien moins qu’un suicide assisté. Comment se sentir concerné par une quelconque menace quand, justement, rien ne peut menacer ce qui, dès le premier chapitre, était insurmontable ? Quelqu’un, un jour, peut-être un éditeur dans un bureau du Shônen Weekly Jump – on peut rêver – pourrait se saisir de ses auteurs par le col pour mieux leur hurler à pleine gueule « DANS UN NEKKETSU LE HÉROS PART D’EN BAS POUR PROGRESSER GRADUELLEMENT ! IL N’EST PAS LE MEILLEUR DÈS LE DÉBUT ET IL EN EST MÊME TRÈS LOIN EN PRINCIPE ». Comme ça, dix fois par jour avec tous les auteurs de Nekketsu. Y’a bien un moment où la notion finira par leur entrer dans le crâne. Car ça fait un petit moment que le principe de progression lente – corrélé à l’adversité – dans un Nekketsu, tient de la légende urbaine. Une légende que tout le monde a oublié, obscurcie par la lumière irradiantes émanant du merveilleux Panthéon abritant nos nouveaux héros.


La décadence Shônen, elle se voit à l’œil nu et depuis belle. Mashle vient justement en renfort afin de mieux prononcer le contraste avec ce qui le précéda en quelques temps jadis ; à une époque où les auteurs de Shônen travaillaient leur copie avant de la rendre. La décadence ne frappe pas seulement maisons d’éditions et auteurs, mais aussi et surtout le lectorat concerné. À ces animaux-là, je ne résiste jamais à une occasion de leur mollarder au beau milieu de la gueule. C’est qu’à force de manger toute la merde qui leur passe sous la semelle, j’en viens à croire qu’ils ne demandent que ça. Vous devriez avoir honte de valider de pareilles œuvres qui, par leur médiocrité, font le lit d’une nouvelle génération d’auteurs qui sait qu’elle n’aura plus jamais à faire d’effort pour plaire à un public acquis par avance car n’ayant plus aucune exigence en quelque domaine que ce soit. Parce que vous n’avez pas de système immunitaire critique, que vous acceptez indistinctement le tout venant, vous tuez les auteurs vraiment créatifs à qui on refuse la publication. Combien de Yoshihiro Togashi avez-vous tué dans l’œuf ? La seule perspective m’écœure. Eux, ces auteurs vraiment talentueux, sont tenus de se contorsionner ; de se faire assez petits pour atteindre le niveau de ce qui est admis et vendre de la soupe tiède et rance plutôt que de nous servir un succulent caviar dont eux seuls ont le secret. Aussi, si je chope si souvent la chiasse quand je lis un manga, c’est à vous que je le dois. De grâce, ne venez pas ensuite vous plaindre si je déverse le contenu de mes intestins au fond de votre gorge, vous n’appelez qu’à ça par vos plébiscites multiples et scandaleux.

Josselin-B
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le 23 août 2024

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Josselin Bigaut

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