Maus : L'Intégrale par RémiMästerNazin
Quand vous êtes collégien et que votre prof de Français vous dit "Lisez ça, ça va vous bouger la vie !", en général vous opinez du chef et vous oubliez sitôt. Sauf que, quand le bonhomme, grand fan de Flaubert (il ne peut donc pas être foncièrement mauvais), vous dit ça en parlant d'une bédé, ça vous trouble un peu. Et arrive le moment où vous tombez dessus un peu par hasard, et c'est sûr ça change de SpiderMan...
Maus, c'est l'une de mes premières grosses baffes artistiques. Avant de le lire, j'aurais ri si l'on m'avait assuré que cette intensité était atteignable à travers un dessin en noir et blanc si brouilloneux d'aspect. Premièrement, ce n'est pas parce que ce livre met en jeu des bestioles que cela déshumanise les personnages, c'est même le contraire qui se produit dans ce portrait des juifs en souris, c'est tout un ensemble de relations qui est décrit et c'est cela qui porte les personnages. Deuxièmement, il ya la structure et la relation entre Spiegelman et son père, construite tout en questionnement à propos de l'Histoire. Parce que le véritable fond, c'est que l'Holocauste on y connait rien et, quelque part, c'est tant mieux. On y connait rien parce qu'on y était pas, donc on peut entrevoir, se faire expliquer (ce que fait Spiegelman) mais ça s'arrête là. Mais surtout et contrairement à l'Histoire disciplinaire (disciplinée ?) on y voit pas des objets mais des personnes. Et c'est ça qui est dérangeant parce que Vladek n'est pas juste un pur objet [juif-victime de l'Holocauste] il est surtout un Vladek avec ce que cela impose de sentiments, de décisions difficiles et de devoir de survie. En plus, c'est un récit intime, pudique, jamais il n'y a de volonté de culpabiliser le lecteur de quelque manière que ce soit, il ne peut pas connaitre, et personne, Vladek le premier, ne souhaite qu'il puisse connaitre cette horreur. Ça n'empêche pas d'expliquer et de chercher à comprendre sans jamais tomber dans la martyriographie et la force de Maus, c'est justement cet équilibre entre l'horreur du fait et le tendresse qui se crée avec le narrateur. C'est cela qui fait de ce bouquin une oeuvre à conseiller vivement, pas à imposer, parce qu'elle est une épreuve.
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