Xavier Dorison, un des plus talentueux scénaristes actuels, s’attaque à la fable animalière. Explicitement inspiré de « La ferme des animaux » d’Orwell, il souhaitait creuser un autre sillon : celui de la résistance pacifique. Martin Luther King ou Ghandi lui servent d’exemple. Pour cela, il s’est associé à Félix Delep au dessin. Le premier tome s’appelle « Miss Bengalore » et est publié chez Casterman. L’histoire est d’ores et déjà annoncée en 4 tomes.
Les humains ont quitté le château. On ne sait pas pourquoi. Les animaux ont repris la gestion du lieu et se sont constitués en république. Mais cette république n’en a que le nom… Le président, un taureau puissant, règne sans partage, bien aidé par sa milice de chien. Les autres ne peuvent que courber l’échine…
Dorison utilise la fable animalière pour développer un propos à la fois pacifiste et de résistance. Ce premier tome sert à poser les enjeux : la résistance « armée » ne peut fonctionner car la force est du côté du pouvoir. Le tome se clôt ainsi sur un début de résistance « douce », prélude à l’effondrement du régime ?
Le bouquin est d’abord construit sur le fonctionnement du château. C’est ce que l’on découvre. Le président, sa milice, son représentant (un coq) et tous les petits opprimés (lapin, oies, chat, mouton…). Rapidement, ce sont les travers du pouvoir qui se révèlent, le taureau ayant hélas découvert les plaisirs de l’alcool. De même, une bonne partie de la ferme se tue à la tâche pour construire une tour, promise par le président à sa favorite…
Il faut prendre « Le château des animaux » comme une fable politique. Ainsi, l’ouvrage est assez bavard et didactique. En cela, il est dense. Mais comme pour « Le ferme des animaux », toutes les scènes sont là pour expliciter les faits, les causes et les conséquences… Chaque personnage a un rôle précis à jouer dans l’histoire. Cela ne plaira pas à tout le monde. Malgré tout, Xavier Dorison s’évertue à créer des personnages attachants. Bengalore, veuve et mère courage. Ou son nouvel ami le lapin qui se prostitue pour vivre. Alors que le livre paraissait parti pour traiter l’histoire que du côté des victimes, ce n’est pas le cas. Les dissensions en haut de l’échelle du pouvoir sont déjà visibles.
Le dessin est vraiment l’un des points qui m’a attiré dans cet ouvrage. Félix Delep dessine des animaux qui ne sont pas anthropomorphes. Bien sûr, ils parlent. Mais les différences de taille restent là, ils marchent à quatre pattes, ne s’habillent pas… Son dessin est très beau, ses animaux splendides. Il suffit d’admirer la magnifique couverture pour se rendre compte combien ce dessinateur maîtrise la composition… Ses planches sont du même acabit : riches, inventives, les plans sont variés et percutants. Du très bel ouvrage.
« Le château des animaux » se veut une nouvelle itération de « La ferme des animaux ». Prenant en compte les combats pacifistes qui ont eu lieu pendant le vingtième siècle, les auteurs proposent une nouvelle voie. Si ce premier tome sert à poser les bases du problème et les débuts d’une résistance, on reste curieux de savoir où les auteurs vont emmener nos petits animaux. Nul doute que le chemin vers la liberté sera long et difficile…