ONE, paraît-il, is the loneliest number that you’ll ever do, mais ONE, c’est aussi et avant tout le nom d’un mangaka dont la notoriété internationale sera née des planches de One Punch Man. Considérant l’estime en laquelle je tenais sa première œuvre, c’est de guerre lasse que j’en venais à consulter le restant de son palmarès. Toutefois, pour l’occasion, ONE se prive d’un co-pilote. C’en est fini de Yusuke Murata aux dessins ; Mob Psycho 100 n’est l’œuvre que d’un seul homme. Il n’y a pas un trait de plume qui ne sera pas le sien, le manga, cette fois, portera sa marque exclusive.
Ma lecture accomplie, je pus, et sans même une réserve, assurer à grand cri et avec assurance que Murata, quand il collaborait avec One, le ne faisait que pour le tirer vers le bas. Un nouvel essor du Shônen ne sera possible à condition que One entreprenne sa traversée en solitaire. Tout ce qui s'associe à lui corrompt sa plume et dénature son art.
Puisqu’il ne se trouve plus personne pour le seconder cette fois au dessin, c’est encore de cet aspect dont il convient de parler en premier. Car ils ne sont pas bien fameux ces dessins, ils sont pareils à des esquisses d’enfant sur un frigo. Le détail dans le tracé s’y fait rare, les proportions anarchiques et les postures des personnages rigides. Sommaire ? Ce serait se complaire dans l’euphémisme complaisant que d’utiliser ce terme. Un premier regard y verra des dessins d’enfant et un deuxième œil porté sur l’œuvre ne fera que confirmer la première impression.
Qui dit enfantin suppose une part de médiocrité considérable et même incontestable. Le trait est élémentaire comme il ne saurait l’être davantage, on jurerait qu’il n’y a rien à en tirer et pourtant, c’est un régal. Outre le fait qu’il me rappelle le trait exquis d’un Kyosuke Usuta, ce dessin a du charme pour ce qu’il a d’identité propre. Des shônens dont les planches sont semblables à mille autres, j’en ai lu par milliards sans doute. Mais ce manga-ci a un goût du vrai, de l’authentique : du fait-main. C’est pas fameux ce qu’on nous sert pour ce qui est du trait, mais ça a du cachet ; on peut clairement parler d’un style graphique à part entière. Un style qui me ravit outre mesure du fait de l’originalité de son concept et qui, de ce seul fait, rend l’œuvre unique.
Les plus récalcitrants trouveront matière à renâcler, c’est qu’ils ne savent pas ce qui est bon et qu’ils ignorent que si tout ce qui brille n’est pas d’or ; la réciproque étant autant valable si ce n’est plus encore. Je l’écris sans hostilité : les dessins de Yusuke Murata auraient gâché la substance même de l’œuvre en se mêlant à sa construction. Le dessin de One a une force dont l'élan permet de propulser le contenu de l'œuvre. Du reste, les figures horrifiques se rapportant aux pouvoirs et aux esprits, ou bien encore les muscles contractés du club de culturisme sont du plus bel effet sans que le dessin ne soit élaboré à outrance. Avec ce qu’il faut d’imagination et de de suite dans les idées, on compense aisément un dessin rudimentaire quand il s’agit de mieux le faire resplendir.
Les premiers chapitres nous assaillent sous l’humour avec brio. L’entreprise est menée diligemment et on cède volontiers aux rires, d’autant plus volontiers que les frasques de Reigen nous y prédisposent largement. Les zygomatiques se rendent alors sans coup férir ; l’affaire est drôle sans toutefois vous crisper les joues. La ressemblance avec les œuvres de Kyosuke Usuta, manifestement, tient avant tout aux dessins.
Les débuts de Mob Psycho remontent à 2012. Cela, je le devine non pas en consultant la fiche de l’œuvre, mais en lisant la narration qui, dans son insouciance et son innocence, rapporte benoîtement qu’au collège, certains élèvent « se pâment devant le sexe opposé et goûtent à la douceur amère de l’amour ». Ce qui tenait du truisme, grâce à l’ère du temps (on appellera cela ainsi pour éviter les injures), se rapporte maintenant au blasphème. La même réflexion m’a parcouru l’esprit quand l’un des sbires de Tenga pense «aucune fille ne dirait qu’elle est une fille», supposant en effet que cela, en principe, va de soi.
Monde de merde. Mais concentrons-nous sur le manga pour renouer avec les réjouissances.
La jauge d’explosion dont on ne sait rien et qui s’insinue à chaque chapitre du récit intrigue à ses débuts en étant parfois même utilisée pour mieux graisser le ressort comique par instants. Le repas servi par Mob Psycho 100 ne nous est pas servi tout cuit au fond du gosier, il faut prendre le temps de le savourer pour en apprécier les arômes. Ça sait en plus prendre le contre-pied de ce qui est attendu d’un Shônen, notamment pour ce qui concerne la conclusion de l’arc d’inscription à un club scolaire.
Je lisais un Shônen qui ne me rappelait rien de ce qui se fait d’habitude sans pour autant transcender le genre de par une quelconque superbe. Mob Psycho 100 aurait dû être le Shônen typique de sa période de parution plutôt qu’une œuvre qui, par manque d’innovation flagrante, fait figure de marginale. Le constat m’apparaît plus éclairant à l’aune de cette lecture ; le milieu du Shônen, dans son ensemble, ne s’est pas renouvelé en plus de vingt ans. Il se sera reposé sur des anciennes recettes dont il aura trop souvent ôté les ingrédients susceptibles de donner du goût à leur cuisine. La relève n’est finalement que la photocopie d’une photocopie précédente qui, à force de poursuivre ce cycle, devient plus fade, plus terne, jusqu’à ce qu’il ne reste rien. Mob Psycho 100 est une nouvelle approche du Shônen. Pas une approche excentrique, rien qu’une nouvelle idée pour mieux exploiter le genre. Une dont on eut aimé qu'elle fut la source d'inspiration d'auteurs disposés à suppléer l'auteur dans son approche du Shônen.
Mob Psycho 100 ? C’est rien moins la révolution incrémentale que tout lecteur de Shônens attendait depuis près d’un quart de siècle. Et celle-ci, parce qu’elle est exceptionnelle, aura été traitée comme une exception ; quelque chose d’unique dont il n’est apparemment pas permis de s’inspirer. J’ai bon espoir qu’elle annonce cependant une révolution et même mieux encore : une évolution. Une évolution pareille au premier poisson qui, après avoir développé ses nouveaux appendices, émerge pour la première fois afin de se traîner sur la terre ferme. Il devait être bien seul le premier poisson à s’essayer à une pareille aventure, mais il a été suivi de ses congénères.
Un Shônen, c’en est un, ça ne fait pas un pli. Un personnage principal à l’école avec des super-pouvoirs, check. De l’humour, check. Un casting d’adversaires et d’alliés étoffé, check. Un objectif tout con et même une mascotte. Mob Psycho, c’est tout ça, mais autrement. Ça n’est pas radicalement différent, mais simplement assez pour se distinguer de la masse pestilentielle du Shônen contemporain comme un relent enivrant au milieu d’une fosse sceptique. Les personnages secondaires ont une place en retrait dans l’œuvre, on les jurerait tertiaires et ça, parce qu’ils ne se contentent pas de graviter bêtement autour de la figure du personnage principal. Cette nouvelle manière d’aborder les rapports relationnels entre les protagonistes offre une différente perspective de lecture. Ce phénomène se décrit difficilement, mais il deviendra aussitôt intelligible pour qui prendra la peine de lire l’œuvre. Il n’est pas aisé de mettre des mots sur un ressenti, aussi tangible soit ce dernier.
Il y a finalement tout un microcosme de personnages qui existent dans les environs de Shigeo sans pour autant de lui servir d’aréopage. Rares sont les personnages marquants qui, après avoir été rencontrés, sont oubliés. Que ce soit sa famille, le club des culturistes, le CDE, le collège du vinaigre noir, Shoudou et ses disciples, les rescapés de La Griffe ou encore la secte de Smile, tous continuent d’exister dans son sillage pour mieux animer l’intrigue sans pour autant exister par lui seulement. Le contexte scolaire, entre les minables et les loubards, m’aura rappelé au bon souvenir d’Angel Densetsu ; les quiproquos autour de Reigen auront par ailleurs renforcé ce sentiment.
Shigeo, comme personnage principal, plaît sans trop avoir à en faire. Lui-même se définit comme un figurant ; un type ordinaire et insignifiant Il refuse d’utiliser ses pouvoirs sur des humains lambda et n’a vocation qu’à devenir musclé pour plaire à la fille qu’il aime ; une connasse - c'est l'appellation scientifique - rendue délibérément antipathique par la narration qui nous change des figures virginales vouées à compléter un couple parfait avec le héros. La candeur et les inaptitudes sociales patentes de Shigeo en font ainsi la proie de toutes les manipulations et des situations inconfortables. Lui ne veut pas être Hokage ou seigneur des pirates, il veut apprendre à « se mettre dans l’ambiance », lui qui ne sait pas rire. Un pareil objectif, en plus de se distinguer par son originalité, est autrement plus attachant car d’autant plus facile à se référer pour bon nombre de lecteurs. Le manga sait être touchant sans jamais qu’un ersatz d’artifice de la mise en scène ne cherche à insinuer le pathos : c’est authentique au naturel.
Pas de grosse colère typique quand un allié se fait démonter par un adversaire, le drame est détourné au profit de l’humour : enfin un mangaka sait surprendre en prenant son lecteur à revers. ONE joue de ces stéréotypes éculés et poisseux qui collent au genre, et il a bien raison. Cependant, il ne s’en émancipe pas assez.
Les longs combats dévastateurs – même ponctués d’humour – sont des additions pour le moins dispensables. Un lecteur est en droit d’attendre davantage d’un manga qui bouscule les codes – même s'il ne le fait qu'à peine – dès lors où il est question d’affrontements. Le tout serait de ne pas virer au Nekketsu bourrin et de renouer avec les tares de One Punch Man. Les épisodes bien qu’assez rares, sont néanmoins présents.
La question des pouvoirs psychiques et de leur développement est assez banale ; elle relève de ce qu’on pouvait aborder du temps de Yu Yu Hakushô, manga avec lequel les proximités, eu égard aux thématique et au traitement de ces dernières, sont légions. La question des pouvoirs psychiques et de leur utilisation s’accepte dans un flou enrobé d’un Ta Gueule C’est Magique qui, bien qu’imparfait du fait de ses spécificités, s’assume sans crânerie et ne cherche pas à justifier l’injustifiable par de longues explications vaseuses. La magie pour la magie vaut mieux qu’une science mal définie.
Passé le premier tiers de l’œuvre cependant, les premiers travers commencent à se voir. Voilà poindre une organisation secrète d’antagonistes format Arrancar/Akatsuki aux motivations navrantes préfigurant des combats chaotiques…. Le manga s’en sortait si bien sans ça. On retrouve tout de même les petits effets de manche qui détournent les clichés, mais ceux-ci s’amenuisent au fil de la trame. Et à quoi bon nous présenter les ennemis comme des terreurs puisqu’ils sont si faciles à vaincre pour la quasi-totalité d’entre eux.
Les symptômes purulents de One Punch Man reparaissent ; la maladie était latente d’une œuvre à l’autre. Reigen sauve toutefois les meubles lors de l’arc de La Griffe ; l’Humour est plus fort que tout et ses ruses de cuistre assouplissent l’atmosphère ce qu’il faut pour la rendre digeste, voire même délectable par instants. En dernière instance, cet arc qui ne prêtait que trop le flanc à la déception se sera achevé de sa belle mort pour se départir de l’action poussive et ainsi mieux renouer avec les fondamentaux de l’œuvre. Tout cela n’était qu’une vilaine parenthèse d’un volume.
Latente comme un spectre – un mauvais esprit – la secte, grandissant chaque jour dans l’espérance du retour de Shigeo comme prophète, continue de grossir. Insidieusement d’abord, puis plus ouvertement ensuite, jusqu’à ce que survienne le terme de la bombe à explosion. Voilà une histoire de faux prophète comme je les aime. Une qui ne s’embarrasse pas de réflexions vaseuses pour se donner de la contenance en apparat. En parallèle, les diverses intrigues qui succèdent à l’arc de La Griffe parcourent le récit d’aventures simplissimes et remarquablement efficaces dans ce qu’elles ont à apporter. Pas question de grands arcs grandiloquents, le lecteur renoue avec la quiétude du quotidien qui passe, des exorcismes épisodiques et des personnages qui s’épanouissent à feu doux. Le tout, sans se risquer à brusquer la trame, sans drame stérile en embuscade, rien qu’en ayant recours au calme (relatif), à la mesure et à l’humour comme vertus cardinales. Lentement mais sûrement, dans l’ombre d’une atmosphère paisible, le compteur de Mob s’accroît. Les dilemmes posés par ses exorcismes successifs le rongent délicatement, pourcent après pourcent. Ces exorcismes s’enchaînent comme autant de missions qu’aurait pu accomplir Black Jack, avec leur lot de nouveautés, sans jamais exagérer à outrance pour se fourvoyer dans quelques ramifications complexes. Les auteurs de Shônen, pour beaucoup, ont oublié le goût de la simplicité pour lui avoir substitué le simplisme. ONE n’est pas de ceux-là. Du moins, pas quand il s’attèle le à l’écriture et aux dessins de Mob Psycho 100.
L’arc Keiji Mogami, davantage orienté dans le tumulte de l’affrontement, ne commet pas l’erreur de l’arc de La Griffe en multipliant les débordements de puissance. Il est question d’un antagoniste stupéfiant et d’une batterie d’adversaires n’était pas à la hauteur pour le plupart. Le lecteur ne se trouvera néanmoins pas à l’abri des déferlements de pouvoir qui, à trop s’exhiber et trop longtemps, ramollissent la structure de l’œuvre. Conscient de cela – peut-être – One décide de régler l’affrontement par d’autres biais qui n’exigent pas d’avoir recours à la surenchère dans le concours de bites spirituelles. Shigeo expérimente une simulation psychique de sa vie sans pouvoirs et offre ainsi à cet arc une raison d’être valable en faisant évoluer son personnage en plus de doter notre sentiment à la lecture d'une dimension autre que celle à laquelle nous fûmes accoutumés.
Pas de discours sur l’amitié qui tienne, mais des leçons de vie qui, si elles n’engagent pas à grand-chose, ont toutefois le mérite de la pertinence : chose rare au pays des mièvreries chantantes qu’est devenu le monte du Shônen au regard des navrantes idéologies véhiculées.
La séparation de Shigeo et Ringen, pour ce qu’elle a de triste, est réaliste en plus d’être souhaitable au regard des enjeux de l’intrigue. L’obsession latente de Shigeo aura consisté à changer, à s’améliorer. Les expériences successives qu’il éprouve sous les yeux du lecteur l’auront grandi au point de comprendre qu’il devait passer à autre chose s’il souhaitait évoluer. Ce genre de message, induit, sans jamais nous être inséré de force dans les oreilles, est une morale plutôt saine à enseigner à de jeunes lecteurs. Pas de mots creux, rien que des actes concrets et porteurs.
La détresse de Reigen par la suite offre un arc narratif relativement poignant ou, en tout cas, pertinent pour ce qu’il a d’intéressant à offrir au lecteur. Le récit sait bien souvent quitter l’épaule de Shigeo pour laisser s’exprimer les autres protagonistes que compte l’intrigue ; ça n’est pas non plus Monster dans le principe, mais ça comprend qu’un personnage principal d’une histoire, à trop être sous la focale, devient envahissant au point même d’être considéré comme horripilant. Ce souffle dont a besoin le lecteur pour se changer les idées émane en continue des bronches de la narration. Il y a un contrôle et une maîtrise de l’histoire et de ses ramification.
On savait bien que La Griffe reviendrait nous chatouiller tôt ou tard ; l’arc final lui est dédié. La confrontation n’est plus circonscrite à une quelconque structure clandestine mais s’accomplit cette fois au vu et au su de tous alors que les antagonistes s’engagent même dans un combat frontal face à l’armée régulière japonaise. Les immeubles s’effondrent, les bolides sont utilisés comme des projectiles : un arc final, quoi. C’est aux vertus de l’humour que l’on doit l’édulcorant de légèreté. Sans lui, un lecteur n’y aurait retrouvé que les poncifs usés d’un arc fin du monde orchestré par un méchant propre au Shônen. Les pouvoirs émergés de nulle part se répandent à longueur de chapitres, vagues après vagues pour nous ensevelir sous les torrents de bastons sans intérêt. D’autant que les sévices qui ne nous sont pas épargnés se concluent littéralement sur une explosion atomique induite par la l’esprit.
Et ce n’est pas comme si la pléiade de personnages secondaires introduits ou réintroduits pour l’occasion avait quoi que ce soit à faire valoir pour au moins atténuer notre peine. S’ils n’ont que des pouvoirs à mettre en avant au profit de l’intrigue, c’est encore que ceux-ci n’ont aucun autre mérite propre en tant que personnages à part entière. Ils tiennent alors de l’outil et non pas de la personne ; de l’outil qu’on jette après avoir fait un usage bâclé. Le club culturiste vaut tellement mieux la peine d’être exposé que ce ramassis de monstres psychiques aussitôt évacués de notre mémoire après avoir disparus d’une intrigue qu’ils ont si mal servi.
Oui. C’est bien un arc final de Shônen. Celui où l’auteur lâche prise après avoir tenu son œuvre en respect d’une plume mesurée et raisonnable.
Et pourtant non. Ce qui se présentait comme un acte final était un cri enragé poussé avant qu’on ne souffle à pleins poumons. Un dernier souffle, un qui soit frais, c’est bienvenu. Terminer sur une explosion démentielles et un brocoli géant, y’aurait eu matière à s’en contrarier. Le sort de l’humanité étant réglé, le protagoniste se tourmente sur son avenir ; sur quoi faire après le collège. L’introspection, saugrenue compte tenu de l’enjeu qui la précédait un chapitre auparavant, est même moquée par la narration à travers ses personnages. Les personnages principaux de Shônens, à trop être des héros, oublient d’être des adolescents. Pour eux, les batailles de leur existence ne sont pas explosives ou déchaînées, mais il faut bien qu’ils les mènent. Mob Psycho 100 ne laisse pas ses lecteurs dans le talus, il se souvient – chose rare par les temps qui courent – que son lectorat est justement composé de jeunes gens dont les problématiques du quotidien gagnent parfois à résonner dans les œuvres qu’ils affectionnent.
Quelques petites aventures drolatiques comme on les aime ; l’office de Reigen se prête si bien à la chose, puis on noue ensuite les dernières ficelles scénaristiques n’ayant pas encore atteint leur terme. Le complexe de Dieu de Smile, le culte, le brocoli géant, la recherche du télépathe, Tsubomi, toutes ces pistes trouvent leur terme en s’achevant avec l’œuvre dans un anticlimax qui, une fois encore, prend le contrepied du lecteur en se refusant à lui accorder ce à quoi il s’attendait. Sous la plume de l’auteur, le soufflé fait exprès de tomber à plat, cela ne l’empêche pourtant jamais d’être savoureux. Tous ces personnages secondaires auxquels je ne pensais accorder aucune importance, je me surprenais à apprécier leur passage lors de l’épilogue, que chacun ait sa sortie. La conclusion n’était pas simplement satisfaisante, mais pondérée et à sa place. Elle m’a, en bien des manières, rappelé celle de Angel Densetsu. Une bonne écriture, même sans tournure élaborée, n’a pas besoin d’un point d’exclamation pour être percutante, ONE l’a ici démontré ou en tout cas confirmé.
Le récit, jamais, ne prolonge ni n’excède sa bienvenue et sais s’arrêter à temps. Il n’y a effectivement rien de pire qu’un bavard qui se sent de vous adresser la parole des heures durant alors qu’il n’a plus rien d’intéressant à dire. Ils sont rares, là encore, les Shônens qui savent quand et où s'arrêter. Et c'en est un.
Mob Psycho 100, c’est une incrémentation de peu et pourtant, qui joue pour beaucoup. La réjouissance qu'on a à savoir qu'il existe tient au saut qualitatif qu'il impulse. Le manga, en l'état, ne révolutionne rien au genre ; et pourtant, il change tout.
Je lui ai mis 6 d’un sentiment partagé, d’un sentiment mitigé. La Griffe, par trop d’occasion, a esquinté le fil du récit pour l’entamer ce qu’il fallait au point même de croire qu’il allait se rompre, que tout allait se laisser aller quand craquerait le dernier filament. Eh puis, je me suis finalement décidé à accorder du crédit à l’œuvre pour m’associer à un espoir – ne serait-ce qu’une étincelle – celui de voir poindre un modeste renouveau du Shônen, d’en être le spectateur ravi et de m’exclamer « enfin, le phénix renaît ». Voir poindre une œuvre qui, comme Mob Psycho 100, saurait se jouer de ses codes sans se trahir, se renouveler sans tout changer : faire évoluer une fois pour toute ce genre qui crève à force de se scléroser sur place.
La note que j’accorde, en l’état, a été quelque peu gonflée. L’enthousiasme le justifie, une de ces joies illustres pareilles à celles qu'un cancéreux quasi-métastasé éprouverait quand apparaît un début de rémission. Rien n’est joué, mais quand une tache de propre, aussi négligeable soit-elle, dégouline au beau milieu d’un monceau d’immondices, elle se remarque pour ce qu’elle a d’étincelant.