Aujourd’hui, on met les voiles ! Moby Dick,
classique de la littérature américaine, pavé de 560
pages remplies de poésie, d’aventures, de lyrisme,
de romantisme et de symboles de la condition
humaine. Adapter cette œuvre fondamentale est
donc un sacré pari que Chabouté mène avec brio.
Dans cette adaptation, on suit donc le parcours d’Ismaël,
jeune marin inexpérimenté venu se durcir
l’écorce au contact de chasseurs de baleines.
Et c’est là que surgit le génie. Ici, un dessin suffit à
saisir toute la quintessence du mythe.
Là ou le roman passe par mille constructions de
phrases et descriptions magistrales, le bédéiste en
capte l’essence et la croque tel un virtuose. Tel un
De Vinci de la BD, Chabouté nous embarque dans
son aventure et ne nous lâche plus. L’appel du
large est trop fort. Ainsi, on sent le mal qui ronge
ce capitaine Achab. Lui, la figure archétypale du
vieux loup de mer campé sur sa jambe de bois et
dévoré de l’intérieur par une haine et une volonté
farouche de vengeance à l’encontre de Moby
Dick, le cachalot légendaire que nul homme
n’arrive à abattre. On comprend les inquiétudes,
la peur mais aussi l’envie d’aventures, l’envie
de plus grand d’un jeune Ismaël en soif de
découverte du monde. On vit avec ces marins,
conscients du danger, nobles héros partis défier
la mort pour gagner leur vie. Il faut les imaginer
ces hommes s’en allant pour 3 ans de traversée
à travers le monde, loin de leurs familles, en
pleine mer, au large. Comme eux, les embruns
nous fouettent le visage, on entend avec eux le
bois du mât craquer, on sent le roulis, le tangage,
on ressent aussi le calme avant la tempête…
Ce livre premier nous enchante. Le noir et
blanc est parfait, en adéquation totale avec le
thème proposé. L’accomplissement humain,
l’épopée mythologique, la grande traversée vers
l’inconnu, la confrontation du héros face au
danger. Tout ici est parfaitement dépeint. Chaque
case est d’une cohérence absolue avec l’histoire
et l’on ne peut se détacher de ces aventuriers hors
normes. Réussir à saisir toute la complexité de
ces personnages d’un autre temps par un simple
regard, un geste ou une posture est la marque des
grands : nul doute que Chabouté en est un.