Le Batman de King est terriblement perturbant. Les scènes alternent entre l'action over badass, le folklorique loufoque, et une manière très poétique de traiter certaines relations. Ce mélange de tons, porté par un scénariste assez virtuose, fait que ce comics mérite d'être lu. Mais savoir si on l'apprécie est une toute autre question.


La vision du Batman est assez singulière, pour ne pas dire carrément à contre courant du personnage. Le Batman de King est une force de la nature, rien ne l'arrête une fois qu'il a mis le costume, une fois qu'il a enfilé sa carapace. Bruce Wayne, l'homme, disparaît, et un super-héros prend sa place. J'avais déjà cette sensation avec quelques moments du tome 1, mais ce tome 2 avec - un exemple parmi d'autres - le long épisode où il se fraye un chemin à travers toute l'armée de Bane a fini de me convaincre que c'était bel et bien le point de vue de King. J'ai beaucoup de -mal avec cet élément, car enlever les failles physiques du personnage revient à lui ôter en partie ce qui le rendait vraiment héroïque, à savoir qu'il était un homme comme un autre. On peine à se souvenir de la scène saisissante en émotion de l'avion quand on voit ici de quoi le héros est capable, avec ce leitmotiv "impossible n'est pas Batman". Pour autant il faut admettre que si l'idée me gêne, son exécution est impeccable. King a toujours une mise en scène à sortir du chapeau, une manière de narrer l'action qui fait passer sans problème les excès de son héros, la démesure des faits. Ici, la lettre de Bruce est obsédante, seul repère fixe dans un défilement de cases où Batman virevolte dans la forteresse, tout à tour l'escaladant, se jetant dans le vide, traversant ses couloirs et passerelles. Et tandis qu'il rétame une armée à lui tout seul, qu'il esquive balles et coups, le lecteur emporté par le mouvement s'accroche au texte, à cette lettre à Selina. C'est l'exemple le plus frappant, mais à chaque épisode il y a un passage de ce genre. A tel point que la confrontation finale face à Bane déçoit par son classicisme (mais l'arc suivant lui rendra surement justice).


Mais dès qu'il lui enlève le masque, King rend toute son humanité au héros. Tel Michael Keaton qui se déchirait le masque pour se révéler à Catwoman, Bruce redevient le personnage humain auquel on est habitué, terriblement torturé intérieurement et compréhensif envers les autres. Il y a ces dialogues avec Alfred (pour lequel le masque n'existe jamais vraiment), il y avait la scène du premier tome où il révélait son identité à Gotham Girl, et il y a maintenant cette nuit torride avec Catwoman. A peine a-t-il perdu le masque qu'il est tout à elle. A peine le remet-il qu'il repart en chasse pour l'arrêter. La seule blessure (et pas des moindres!) que prend Bruce en deux tomes est d'ailleurs consécutif d'un moment de faiblesse, où il baisse sa garde devant une amie de Selina, encore perturbé par sa bien-aimée. A tel point qu'on finirait par penser que l'humanité est à la fois son moteur, la raison de sa croisade (dans ce tome il part en guerre contre Bane pour sauver Gotham Girl, qui depuis toute petite a foi en lui), ce qui forge son mental, mais ce serait aussi sa kryptonite, ce par quoi sa carapace de créature invincible se fissure.


Si King a beaucoup de choses à raconter, et le style pour le faire, les événements de ce tome ne sont pas non plus particulièrement plaisants ; ça reste l'assaut d'une forteresse, avec un prétexte qui sera évoqué au début mais guère exploité pour l'instant. Quant à l'intrigue amoureuse, c'est bien écrit mais mon manque de background sur l'univers Batman joue contre moi et j'ai du mal à apprécier leur relation.

WeaponX
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le 16 févr. 2018

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