Avec Mon traître, Sorj Chalandon et Pierre Alary nous plongent dans une Irlande tourmentée où l’amitié, l’engagement, et la trahison se mêlent pour créer un récit poignant et introspectif. Ce n’est pas une explosion de rebondissements, mais plutôt une vague sourde d’émotions qui monte, lentement mais sûrement, jusqu’à engloutir le lecteur.
L’histoire suit Antoine, un luthier français fasciné par la cause républicaine irlandaise, et son amitié avec Tyrone Meehan, un militant emblématique. Mais cet engagement passionné est bouleversé par une trahison dévastatrice qui questionne tout : les convictions, les loyautés, et même l’identité. Ce n’est pas seulement une histoire de politique et de guerre, mais aussi un drame intime qui prend aux tripes.
Graphiquement, Pierre Alary livre une œuvre vibrante, où chaque case semble imprégnée de pluie, de fumée, et de larmes invisibles. Les décors de l’Irlande, entre ruelles sombres et paysages mélancoliques, plongent le lecteur dans une atmosphère à la fois belle et pesante. Les visages, expressifs à l’extrême, traduisent des émotions complexes avec une justesse désarmante, bien que parfois le style frôle un peu la surcharge dramatique.
Le récit de Chalandon, adapté ici avec une grande fidélité, brille par sa simplicité apparente et sa profondeur. Les dialogues, courts et incisifs, frappent comme des coups de marteau, et le silence entre les mots devient un personnage à part entière. Cependant, certains lecteurs pourraient trouver que cette économie de mots laisse trop de zones d’ombre, amplifiant le poids déjà considérable de l’histoire.
L’ambiguïté des personnages est une véritable force. Tyrone, à la fois héros et traître, fascine autant qu’il révulse. Antoine, quant à lui, incarne une naïveté touchante, rendant son désenchantement d’autant plus poignant. Leur relation, complexe et viscérale, est le cœur battant de l’album.
En résumé, Mon traître est une œuvre subtile et bouleversante, où la trahison résonne comme un écho lointain, amplifié par le poids de l’histoire et des silences. Un drame qui s’insinue sous la peau, vous laissant à la fois vidé et émerveillé.