Moonlight Act
7.7
Moonlight Act

Manga de Kazuhiro Fujita (2008)

Le milieu du Shônen a parfois oublié d’être innocent. Trop souvent même. La remarque n’implique pas que tout ce qui se rapporte au genre se doit impérativement de s’adonner à l’onirisme le plus rêveur, mais il faut avouer que ça manque. Même une âme aussi maladivement putride que la mienne aime à s’extirper de la noirceur et de la violence pour s’édulcorer dans la rêverie innocente. Dragon Ball et One Piece sont partis de l’onirisme ; les deux s’en seront par la suite servis d’appoint pour se propulser vers des strates difficilement atteignables. L’un avec davantage de succès que l’autre.


Pas d’implications ténébreuses et alambiquées pour huiler les rouages de l’intrigue, pas de complot systématique ourdis pour une révélation finale ampoulée, à force, j’en rêve. J’en rêve car je ne peux même plus l’observer. Non, un conte innocent, contrairement à ce qu’en penseraient les plus cyniques, ça n’est pas la voie royale vers la niaiserie doucereuse et infantile ; une histoire simple qui ne s’embarrasse pas du superflu pour enchanter. Il faut une certaine maîtrise de son récit et une imagination fertile - néanmoins tenue en bride - pour aboutir à un pareil travail. C’est sûrement pour ça que bon nombre de mangakas ne s’y essayent même plus. On fait plus volontiers dans l’edgy à pas cher ou dans le racolage bruyant et cliché pour ne pas avoir à esquinter ses pinceaux.


Qu’est-ce qui crie justement mieux l’onirisme que des figures de contes et légendes qui s’évadent des livres dans lesquels ils sont enfermés ?

N’espérez aucune insouciance dans le ton récit. Iwasaki s’impose en deux pages, avec, pour mieux aider à comprendre que c’est un dur, une aimable narration d’Engekibu venue en assistance nous rappeler que tout de même, il a des grosses couilles mine de rien, mais qu’il a bon cœur. Cette introduction du personnage est d’autant plus déplorable qu’elle ajoute à la grossièreté du procédé ce qui se veut une resucée – en moins bien mise en scène – de la présentation d’un certain Kurosaki Ichigo. En infiniment moins bien amené, cela va sans dire.

Le manque d’imagination, étalé le long des premières pages seulement, se veut annonciateur d’un carnage qu’on ne souhaite pas voir advenir mais qu’on sait inévitable.


Je ne saurais trop dire si le dessin me plaît. Airs d'un Kaiji dépourvu d'âme dans le trait.

Ça crie, ça grimace et ça s’agite perpétuellement pour ménager le vide ; ça se force à être un Shônen dans la plus basse acception du terme. Le gag rutournelle typé City Hunter de la fille qui corrige le protagoniste corniaud est ici présenté avec une lourdeur...

Et ça n’aura pas attendu le chapitre deux pour une scène ecchi dans un onsen. Le bon goût se doit d’être expurgé jusqu’au dernier atome afin que l’œuvre s’accepte enfin - mais bien assez tôt - comme un énième chiure du genre venue s'amonceler au sommet de ce fatras d'immondices aux strates aujourd'hui himalayennes.


Le scénario, s’il s’était laissé aller à davantage d’insouciance et de suite dans les idées pour ce qui est de sa scénographie et de sa construction, aurait pu tout avoir pour plaire. L’exécuteur se doit de s’assurer que les contes en vadrouille dans la trame se réalisent comme le prévoit leur écriture. Pour ça, la solution à chaque antagoniste tiré d'un conte pourrait s’incarner par un indice propre à la légende concernée n’est-ce pas ?

Naïfs que vous êtes : tout va se régler à grand coup de massue.


Et les personnages, quand ils ne sont pas insipides, sont insupportables. Notre protagoniste principal se trouve être rien moins qu’une tsundere au masculin. Imaginez-vous comme la lecture doit être plaisante dans cette configuration.


L’incursion des personnages de contes et légendes le temps d’affronter Bohemian Rhapsody durant les événements de Stone Ocean aura été infiniment mieux pensé et géré en un court temps que Moonlight Act aurait pu l’être sur toute la durée de son œuvre. C’est à ça qu’on distingue un maître de la mise en scène d’un amateur qui, apparemment, s'enorgueillir de l’être tant il persiste dans ses prévarications.


Un globiboulga de tous les contes occidentaux et orientaux mêlés les uns aux autres, quand ils sont mélangés, n’aboutit pas automatiquement à un rendu excentrique et trépidant. Il faut savoir articuler les éléments de l’intrigue entre eux et ne pas espérer que cela va se faire tout seul à la lecture. L’œuvre, qui puise son postulat de l’imaginaire collectif même, est infoutu d’avoir recours à ce même élan d’imagination pour mieux cimenter ce qu’il jette sur ses planches sans franchement jamais savoir quoi en faire.

Comme quoi, on a beau sortir de la Shueisha, la maladie dégénérative propre aux Shônens frappe apparemment toute œuvre susceptible d'être publiée.

Josselin-B
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le 11 nov. 2022

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Josselin Bigaut

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